Par Lyazid Khaber
Le professeur de droit économique, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement en exercice, Ammar Belhimer, non moins connu pour son œuvre prolifique d’essayiste sans concession, aborde dans son nouvel ouvrage, paru récemment aux éditions Anep, la question lancinante inhérente à la sphère numérique et à l’impératif de mieux la réguler. En juriste avisé, l’auteur ne lésine pas sur les qualificatifs pour qualifier l’emprise des forces obscures sur le «monde du net», préconisant au passage des moyens à même de résister au «capitalisme de surveillance» ou encore le «capitalisme voyou» qui, selon lui «mérite qu’on lui oppose une grande vision réglementaire et législative émanant des guerriers d’une démocratie menacée à l’échelle planétaire : législateurs, spécialistes et citoyens».
Diplômé de l’Université René Descartes, Paris V, essayiste et journaliste depuis plus d’un demi-siècle, Amar Belhimer reste égal à lui-même. En lisant son dernier livre «Par quel droit tenir le Net?», on redécouvre ce chercheur toujours à la page, mais surtout le militant qu’il a toujours été. Son parcours tant universitaire que militant, transparaît à travers le défilement des pages, révélant un fin analyste qui ne part pas d’idées reçues pour déconstruire les idées les plus farfelues. Il se fait sa thèse à travers une longue observation, et une recherche assidue qui réconcilie le juriste qu’il est avec les méthodes d’investigation qui lui sont chère. Ne dit-on pas qu’un juriste est quelqu’un qui devra comprendre un peu dans toutes les disciplines, même les plus scientifiquement pointues ? Oui, Amar Belhimer, agit en sa qualité de juriste, il s’interroge et il cherche les réponses pour déterminer la suite de ses lectures, pour donner un avis avisé.
Dans cet essai fouillé, l’auteur ne craint pas le détail, et va dans le fond de la technique pour argumenter ses suggestions consistant en la nécessité de «réguler l’univers de la Toile». Car, d’après lui, le monde tel qu’il est aujourd’hui pose de nouveaux défis, et implique une nécessaire résistance face à l’usage inapproprié des données, par des centres influents d’intérêts. Pour lui, tout reste à faire dans ce domaine, car le droit universel n’a pas encore dit son dernier mot. Explication de l’auteur : «Les capitalistes de surveillance sont riches et puissants, mais ils craignent les législateurs. Ils craignent les citoyens qui exigent une trajectoire alternative. Ces deux groupes sont liés dans l’œuvre de sauvetage de l’avenir numérique de la démocratie».
Un ouvrage qui pousse à la réflexion
Au sujet de cet œuvre qui fera date, Belkacem Ahcene-Djaballah, ancien professeur des universités et spécialistes des médias, pose un regard lucide, et estime que nous sommes là, face à«un ouvrage de type documentaire qui pousse à la réflexion. Valeur pédagogique indéniable à l’heure de la non-disponibilité d’ouvrages spécialisés et de réflexions majeures sur le sujet.»
En effet, au fil des 220 pages du livre qui se lit avec beaucoup d’attention, tant il renferme beaucoup de détails, l’on se rend à l’évidence de ce «monstre» familier qu’est le «flux de données» qui, selon M. Belhimer, n’échappe pas à l’instinct de domination, ce qui autorise à se demander si nous n’assistons pas à l’avènement d’un «impérialisme numérique». Chiffres à l’appui, l’auteur montre et démontre la répartition inégalitaire des sites-sources par exemple, qui révèle «une forme de domination sans partage qui ne dit pas son nom». L’auteur qui relève le fait que le numérique «s’invite désormais au cœur de tout développement», y compris de la Finance et, plus grande encore, de la Défense. Selon lui, «L’étendue des applications internationales des réseaux de traitement informatique confère aux détenteurs de banques de données un pouvoir inégalé dans l’histoire des relations internationales» (p25)
Estimant que «La norme juridique donne l’image d’une vieille Mamie qui s’efforce de rattraper de jeunes et hyperactifs adolescents», l’auteur ouvre de nouvelles brèches pour la réflexion, en avançant de nouvelles interrogations pour faire face à l’usage abusif de «fake news», les «trolls»,le cyber-harcèlement, le discours de haine, les «deepfakes», les «shallowfakes», les «deepNudes», le «FaceApp»… faut-il alors «Casser Facebook» ou encore réhabiliter la «concurrence régulée» ?Ce sont autant de question que de suggestions de réponse qu’on trouvera en lisant le livre disponible en vente en librairie.
L. K.
Bio-Express
Amar Belhimer,né le 4 mai 1955 à El-Aouana, est un enseignant en droit public et journaliste, occupant depuis le 4 janvier 2020, le poste de ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Il est l’auteur de plusieurs essais et d’articles publiés dans la presse et les revues spécialisées en Droit et en Economie. Etant fondateur de quatre journaux, et ayant une longue expérience d’éditorialiste et de chroniqueur, Amar Belhimer est également un essayiste au long souffle qui a publié plusieurs ouvrages, dont«La dette extérieure de l’Algérie: une analyse critique des politiques d’emprunt et d’ajustement» (1998), «Histoire de la pensée économique» (2007), «Les printemps au désert» (2016), «Les dix nouveaux commandements de Wall Street» (2017), ou encore «2049, l’année du serpent de terre» (2019).