Cerner la pensée du Professeur Omar Aktouf, un Algérien établi au Canada depuis les années 1980, et connu pour être un véritable pourfendeur de la pensée néo-libérale et de l’impérialisme, n’est pas chose aisée. Réécrire Aktouf c’est se donner la peine d’aller à contre-courant des éditorialistes majoritaires, et ce n’est absolument pas ce qu’ignore le Pr Aktouf qui, dans un récent échange, nous écrira que «plus les choses partent en déliquescence, plus l’orthodoxie aveugle revient avec l’énergie du dernier baroud absurde.» «Franchement, je ne cesse d’être profondément étonné d’être quasiment le seul à tenir le fort de la critique «interne» de la pensée économie – gestion ! Tant d’autres «savent» aussi bien que moi ces choses et se terrent !», ajoute-t-il non sans une pointe de déception. Bachir Amokrane a relevé ce défi, et c’est grâce à lui qui a découvert Aktouf «par pur hasard», que nous avons aujourd’hui un vrai condensé de la pensée de notre philosophe des temps moderne, le résistant.
Par Lyazid Khaber
Dans son livre «Omar Aktouf, un homme libre inquiet du monde», Bachir Amokrane, revient sur sa propre découverte de la pensée d’Aktouf, et de là, de la personne même du professeur émérite de HEC Montréal (Canada), qui se trouve depuis déjà plusieurs années, au cœur de vives polémiques sur son courant de pensée et philosophie concernant l’économie.
Ce livre préfacé par Alain Danault et avec une postface du journaliste Mohamed Bouhamidi, est une invitation à connaitre au mieux qui est Omar Aktouf. Avec un survol de la vie de cet émérite professeur ayant eu une enfance difficile, tout comme la majeure partie des Algériens «indigènes» de l’ère coloniale, passant de la pauvreté à l’exile de ses parents au Maroc, puis à des responsabilités dans un pays auquel il a longtemps cru, mais qui ne tarda pas à le décevoir, pour prendre la tangente et partir à mille lieues de chez lui et des siens pour s’installer au pays de l’érable.
«Un penseur hors pair»
Alain Danault, docteur en philosophie et professeur en sociologie à Paris, le qualifié d’emblée de «penseur hors du commun», et estime par-là que le livre de Bachir Amokrane s’adresse autant au «lecteur révolutionnaire que le réformiste», qui «trouveront matière à réflexion dans tous ces exposés». Dans sa préface, le philosophe Alain Danault insiste sur la nécessité du «regard cru» d’Aktouf.
Celui-ci «prend racine dans une expérience de vie sans commune mesure avec les univers bourgeois et petit-bourgeois depuis lequel pérorent les ayants droit de la parole publique», écrit-il. En effet, «Omar Aktouf se distingue tout à fait du grand nombre», notamment grâce à ses analyses objectives des «faux-semblants d’une ‘science’ qui légitime, en les couvrant d’un voile de vertu, des pratiques d’exploitation éhontées d’entreprises ayant pour seules visées l’accumulation massive de capitaux».
«Excommunié», Omar Aktouf «faisait particulièrement mal», lui dont les réflexions juxtaposées à son «engagement public vivant et vivifiant, dans le désert politique que fut le tournant des XXe et XXIe siècles», lui ont valu de devenir la «bête noire» des milieux capitalistes, mais surtout «une référence publique notoire».
Saisissant cette particularité du Pr Aktouf, Bachir Amokrane s’est mis «souligner le caractère interdisciplinaire et surtout le haut niveau de culture dont témoigne le travail d’Aktouf», car, il s’agit en effet de «quelqu’un qui a un grand sens de l’histoire tout en se montrant sociologue», grâce à son travail de renommée internationale «qui le projette aux quatre coins du monde».
Qualifiant à juste titre, Aktouf d’«éthicien», l’auteur estime que celui-ci analyse moult phénomènes économiques en les mettant en rapport avec «la destruction écologique que ses méthodes provoquent» afin de pouvoir «ensuite l’affranchir de sa visée capitalistique».
Aktouf, l’incompris…
Combattu par ses adversaires, et incompris par les siens et ceux qui subissent de plein fouet les conséquences de la libéralisation sauvage, Aktouf demeure comme un phare au milieu de la brume qui, malgré les aléas défavorables, continue de projeter ses lumières pour éclairer le fond des abysses et de montrer la voie aux navigateurs perdus dans les flots d’une mer agitée.
Et c’est pour cette même raison que Bachir Amokrane, tente de restituer la pensée «aktoufienne», lui donner l’éclat qu’elle porte : «Nous allons nous apercevoir dans les chapitres qui suivent, que Omar Aktouf n’est pas celui qu’on décrit, en catimini dans les salles de cours et les discussions de couloirs comme un «illuminé», frappé d’une folie des grandeurs qui serait aussi démuni d’arguments que de maturité! On sera forcé d’admettre qu’il s’agit là d’un personnage surprenant par les trésors que recèle son œuvre et les chemins qu’il a pris, tout au long d’une vie à penser l’humain et ce qu’on fait de lui.», lit-on sous la plume de l’auteur.
En effet, note Bachir Amokrane : «Omar Aktouf a pris un tout autre chemin pour expliquer le passage du profond héritage philosophique, économique, social… de l’humanité à travers les siècles, vers le néolibéralisme. Aussi, il sera question de l’«Etat-business» en citant des exemples de divers pays occidentaux. De l’économie-management à l’humain face au management et le développement et l’avenir de la planète, Omar Aktouf nous dira aussi comment justement se développent les esprits à l’école néolibérale et les modèles économiques performants.»
En effet, «Omar Aktouf nous éclaire sur sa position en se disant privilégier un humanisme qui n’est pas idéaliste, ni subjectiviste, ni idéal-objectiviste, ni pur. Il a prétendu tout au long de sa vie intellectuelle, et ce dès les tout débuts, à un idéal fondamental : revisiter, réapprendre, recomprendre et retenir de chacune des grandes écoles, des grands esprits de ce monde, des philosophies lointaines… sans aucune restriction ni discrimination méthodologique, tout ce qui lui paraissait converger avec cette quête difficile et complexe de ce qu’est une conception humaine de l’homme, de l’homme en société et de l’homme au travail.
C’est là une quête qui appelle une interrogation en profondeur, un retour à la genèse et aux racines des choses…»
L. K.
[…] Lire Publié le 17 septembre 2023Par Alain DeneaultCatégorisé comme Actualités, Eco Times Étiqueté Alain Deneault, Omar Aktouf, Préface […]