Par Farid D. et agences.
Patrick Artus et Olivier Pastré analysent dans leur dernier ouvrage les implications considérables de la crise du Covid-19 sur les économies et les sociétés. S’ils estiment que «nous sommes dans une situation de telles incertitudes que la seule vertu scientifique est celle de la modestie», ils montrent que cette crise est inédite car profondément cumulative et multidimensionnelle.
En effet, elle produit un choc à la fois macroéconomique (choc d’offre lié au confinement, crise des pays émergents, monétisation des dettes publiques), microéconomique (réorganisation du travail des entreprises), structurel (avec la réorganisation des chaînes de valeurs globales, une accélération du processus de destruction créatrice entre les secteurs de l’économie, et une refonte de la gouvernance des entreprises), mais aussi politique et géopolitique.
Les auteurs souhaitent, dans ce livre, déconstruire les fausses solutions qui rencontrent pourtant un certain écho médiatique, faire le point sur les certitudes (et les incertitudes) face à cette crise, et tracer quelques perspectives pour la conduite de la politique économique qui ne pourra échapper à certaines ruptures.
Les leçons de l’histoire
Pour affronter une telle crise, Patrick Artus et Olivier Pastré considèrent qu’il faut, tout d’abord, prendre le recul nécessaire en se plongeant dans l’histoire. Les épidémies ne datent pas d’hier, de la peste antonine de 166 à 189, avec la variole ayant fait 10 millions de morts, à la peste noire qui a causé la mort d’entre 25 et 40 millions de personnes en Europe entre 1347 et 1352, à celle qui a frappé Marseille en 1720, et la grippe espagnole qui, entre 1918 et 1919, a tué 30 millions de personnes en Europe et 50 millions à l’échelle mondiale. Ces désastres qui ont émaillé l’histoire du monde permettent de tirer quelques enseignements précieux pour notre temps. Notamment, comme dans le cas de la grippe espagnole, la très forte contagiosité, l’absence de symptômes dans de nombreux cas, la surinfection bronchique, la faible mortalité très relative… mais aussi l’existence déjà à ces époques de fake news (sur l’origine du virus), d’erreurs de politiques économiques, et un creusement dramatique des inégalités sociales… Lorsque l’on scrute les conséquences de ces diverses épidémies, les auteurs expriment leurs inquiétudes, car les épidémies ont souvent trouvé de nouveaux espaces pour se propager sur tous les continents, avec de longues durées épidémiques, souvent sur plusieurs années, et aussi une forte capacité des populations et des pouvoirs politiques à oublier (à l’image de la grippe espagnole qui a précédé les «roaring twenties» et l’expansion économique triomphante des années 1920).
Mais l’histoire montre, également, que ces pandémies se sont toujours accompagnées par le passé de la recherche de «boucs émissaires», à l’instar aujourd’hui de la crise du Covid-19, qui conduit à des tensions fortes entre la Chine et les États-Unis, avec des conséquences concrètes en termes de contraction du commerce international, ou, dans les débats économiques, à désigner le capitalisme «néolibéral» et la globalisation comme responsable des désordres. Aujourd’hui, le bilan de cette constante des crises, qui consiste à pointer du doigt les responsables, est bien contrasté selon les auteurs : «Cette désignation de boucs émissaires peut faire apparaître à la fois des effets favorables (politiques climatiques, capitalisme plus inclusif, relocalisations) et des effets défavorables (protectionnisme, tensions géopolitiques…). Reste à faire en sorte que ce soient des effets favorables qui l’emportent».
Les auteurs
Chef économiste de Natixis, Patrick Artus est professeur associé à l’École d’économie de Paris.
Olivier Pastré est professeur d’économie à l’université Paris-VIII et président d’IMB Bank (Tunis).
Ils sont tous deux membres du Cercle des économistes et ont publié ensemble Sorties de crise (Perrin, 2009).
F. D.