Dans l’Europe du début du XVIIIe siècle, une vive réaction s’était dessinée contre les idées politiques et religieuses sous lesquelles vivaient, à cette époque-là, les peuples du Vieux Continent, époque marquée par l’absolutisme royal et le colbertisme (en économie). Cette réaction salutaire s’amplifiait au fil du temps, avec l’apparition de théories audacieuses qui se répandaient et triomphaient au sein des classes instruites et cultivées, donnant à ce mouvement historique le nom de siècle des Lumières.
Par Rachid Mihoubi
Dans des cercles beaucoup plus restreints, des thèmes économiques, à l’instar de la création, de la circulation ou de la distribution des richesses dans la société, ainsi que les idées émises, aboutissaient à fonder une science nouvelle, celle de l’économie politique.
Parmi les œuvres ayant jeté les bases de cette science, figure le Tableau économique, publié en 1758, par François Quesnay, qui était le médecin du roi de France, Louis XV, dit le «Bien-Aimé» (1710-1774). Cette œuvre majeure présente l’avantage de suivre les différentes versions des théories émises par ce grand médecin et économiste, et qui formalisent les principaux éléments doctrinaux énoncés de manière intermittente dans les publications antérieures de ce grand penseur du siècle des Lumières.
François Quesnay, qui se dissimulait volontiers sous des pseudonymes, avait écrit, outre dans le domaine de la médecine (qui était sa spécialité à l’origine) et de la géométrie, de nombreux articles à caractère économique. On citera, entre autres : l’Evidence (1756), les Fermiers (même année) et les Grains (1757). Ces articles représentaient la contribution de F. Quesnay au célèbre et monumental ouvrage qu’est l’Encyclopédie des philosophes Diderot (1713-1784) et d’Alembert (1717-1783). Mais il y a aussi : les Maximes générales du gouvernement économique d’un royaume agricole, (1757), l’Analyse de la formule arithmétique du tableau économique de la distribution des dépenses annuelles d’une nation agricole, Essai sur l’administration des terres, (1759)…
Dans son Tableau économique, (1758), qui jetait les bases de la physiocratie, Quesnay voyait dans la terre l’unique source de la richesse dans la mesure où elle rend plus — le «produit net» — qu’on ne lui donne. Dans une économie d’Ancien Régime de la dynastie des Bourbons, très largement agricole, il réaffirme ainsi la prédominance de l’agriculture et la prééminence des grands propriétaires fonciers. Selon lui, seuls les cultivateurs, qui produisent des subsistances et des matières premières en quantité suffisante, non seulement pour leurs propres besoins, mais aussi pour ceux des autres catégories sociales, constituent la classe productive. Les artisans et les marchands, qui ne font que transformer ou transporter les produits de l’agriculture, constituent, pour Quesnay, une «classe stérile» qui ne crée pas à proprement parler de la richesse. Les dépenses des propriétaires et les prélèvements opérés sur le produit net contribuent à animer le circuit économique dans son ensemble. Tout en condamnant l’émiettement des propriétés et les entraves à la libre circulation des grains, Quesnay y soulignait, également, l’interdépendance des principales opérations de l’activité économique que sont la production, les dépenses, les prix, les revenus et les prélèvements fiscaux.
R. M.
Bio express :
François Quesnay est issu d’une famille nombreuse et modeste, comprenant onze frères et sœurs et dont le père est un petit propriétaire terrien. A treize ans, il perd son père et décide d’étudier la chirurgie et la médecine, puis devient, en 1718, maître dans la communauté des chirurgiens de Paris, puis chirurgien royal en 1723. En 1744, il obtient le titre de docteur en médecine et devient médecin de la favorite du roi Louis XV, la fameuse Madame de Pompadour, qui était sa protectrice (1749).
Après cette brillante carrière de médecin-chirurgien qui l’a conduit jusqu’au chevet du roi Louis XV, Quesnay se tourne dans les années 1750 vers l’économie et forme l’école des physiocrates.
À la mort de Louis XV en mai 1774, ce grand penseur doit quitter le château royal de Versailles et meurt le 16 décembre de la même année.