Par Lyazid Khaber
Il est temps de faire mal, de réhabiliter la valeur du dinar, mais surtout d’aller vers une réconciliation entre l’économie formelle et ses opérateurs. Voilà qui doit rendre à César (comprendre l’Etat) ce qui lui appartient de droit, et à Dieu ce qui lui est dû.
Nous sommes peut-être le seul pays au monde où l’économie est officiellement scindée en deux. Il n’y a que chez nous que les économistes tiennent compte de l’économie parallèle pour établir les vrais diagnostiques, loin des chiffres souvent approximatifs du Cnis (Centre national de l’informatique et des statistiques) et des lectures très conjoncturelles du Cnes (Conseil national économique et social). Les opérateurs économiques eux, se trouvent obligés de faire recours à l’informel à chaque fois que leurs affaires sont mises en jeux ou qu’ils aient la prétention d’investir. Plusieurs experts financiers, à la tête desquels on retrouve à chaque fois, l’ancien ministre des finances, Abderrahmane Benkhalfa, qui multiplie ces derniers temps, les sorties médiatiques, est on ne peut plus clair lorsqu’il parle des grands équilibres de notre économie. Pour lui, la solution est certes dure, mais elle est aussi simple qu’elle n’exige pas plus de réflexion qu’elle en exige du courage. Oui, le courage, car selon cet expert reconnu sur la place d’Alger, il est temps de prendre des mesures qui font mal et de manière sérieuse.
Informel, faut-il s’en accommoder ?
Première démarche nécessaire à entreprendre, lutter efficacement contre l’informel. Voilà où le bât blesse. Car, d’aucun parmi les responsables concernés semble s’en accommoder. Là, on ne tarde pas sur le volet commercial où les ministres qui se sont succédé au département du Commerce, depuis au moins une bonne vingtaine d’années, juraient par tous les Dieux d’en arriver à bout, sans faire bouger la situation d’un iota. L’actuel locataire du siège de Mohammadia, ne fait pas la différence. Comme ses prédécesseurs qui ont, visiblement, compris que l’informel a la peau dure, il continue de tâtonner. Auparavant, et pour rappel, les gouvernements sous Bouteflika ont même proposé d’intégrer les opérateurs informels dans le circuit visible, en leur accordant des espaces commerciaux dont ils n’ont jamais voulu. Peine perdue ! Rien n’y fit depuis, et l’informel continue de ronger l’économie du pays sans que personne ni aucune institution n’arrive à bout. Cependant, et y regarder de très près, l’on se rend compte que la solution peut bien se trouver ailleurs. Dans les arcanes du secteur des finances. Comme tout le monde, ou presque, parle actuellement de la faillite de notre système bancaire, on peut bien comprendre que c’est sur ce terrain justement que tout se joue. Sinon, comment expliquer que le marché de la devise demeure l’apanage des seuls rabatteurs et leurs sous-traitants? La bourse, la vraie, qui détermine la parité et arrête le taux de change n’est pas celle du Boulevard Amirouche, mais plutôt celle située un peu plus loin en allant vers la place des Martyrs, au square Port Saïd.
Voilà qu’au moment où la bourse d’Alger (l’officielle) donne l’image d’une cathédrale, l’autre, sa jumelle de l’ancienne «Djnina», grouille de gens ayant une vision très pointue sur les cours. Tout le monde connaît cette vérité, et les autorités ne semblent pas pour autant s’inquiéter, puisque n’importe quel quidam qui fera un tour au «Tonton-Ville» remarquera de lui-même que les marchant de la devise ne se cachent pas pour faire leur «travail». Mieux encore, les investisseurs algériens, notamment les importateurs qui ont le plus besoin de liquidités en devise, savent pertinemment que c’est là l’endroit le plus indiqué pour se faire servir, et pas au niveau des banques qui opposent toute une armada de mesures, et bien sûr un retard sans délai, à l’acte final de passer au guichet.
C’est dire que l’économie parallèle est devenue tellement prépondérante dans le pays que l’on ne peut s’amuser à la négliger lorsqu’on veut rester dans le circuit. Maintenant que le constat est établi, doit-on rester là et accepter la fatalité, ou plutôt faire quelque chose pour changer la donne? Benkhalfa, au moins lui, pense qu’il est temps de «faire mal», de «réhabiliter la valeur du dinar», mais surtout d’aller vers une «réconciliation entre l’économie formelle et ses opérateurs». Voilà qui doit rendre à César ce qui lui appartient de droit, et à Dieu ce qui lui est dû.
Pour un «super gouvernement»
L’expert pense que le programme à appliquer durant cette période cruciale, doit se focaliser sur ce volet, en y apportant les solutions appropriées. La finalité étant de réhabiliter la chose économique. Mais comment? D’abord, il y a la nécessité de trancher la question basique de notre modèle économique. Ainsi, l’Etat, s’il se considère libéral, il doit impérativement faire confiance aux opérateurs, et s’il opte pour une gestion soviétique, il est temps de prendre de l’avant et fermer les autres frontières encore ouvertes, et rendre à l’Etat impénitent ses leviers de l’air Boumediene.
Il faut trancher la question ! Toutefois, et selon plusieurs experts, et pour ne pas préjuger sur l’avenir, la création d’un ministère de l’économie dans le prochain gouvernement sonne comme une nécessité absolue. A y voir de très près, et considérant le fait que l’expérience algérienne nous a appris que, souvent, pour ne pas dire tout le temps, le talon d’Achille de nos gouvernements, est l’absence d’intersectorialité. Une tare qui non sans avoir des effets néfastes sur la gestion des affaires publiques, elle réduit l’efficacité des exécutifs, en dépit de toute la bonne volonté des décideurs. D’où l’idée d’aller vers une sorte de «super gouvernement» avec de supers ministères regroupés selon leurs domaines d’intervention. Avec moins de ministres au Conseil de gouvernement, et une gestion coordonnée des différents secteurs, nous auront plus d’efficacité, mais surtout moins d’égos chez les responsables tenus de rendre compte à chaque étape. La crise vécue présentement, et induite par la crise du coronavirus, a le mérite de montrer le chemin à suivre…
L. K.