Dans le contexte de la relance économique entreprise sur plusieurs fronts, la question de l’aménagement du territoire commence à bénéficier d’un surcroît d’intérêt de la part des gestionnaires de l’économie nationale et des élus des deux chambres. En effet, la conception des projets de développement, la mise en place d’équipements publics de grande envergure et les investissements productifs ne peuvent plus obéir à de simples élans volontaristes ou à un populisme de mauvais aloi. Le président de la République y a insisté lors de sa visite dans la wilaya de Tizi-Ouzou en juillet dernier.
Par Amar Naït Messaoud
Les projets, quelles que soient leur nature ou leur source de financement devraient obéir à une vision rationnelle, combinant à la fois l’espace, la démographie, les ressources, les spécificités du site,…etc. En d’autres termes, on conçoit et on manage des projets de développement et des opérations d’investissement selon une vision d’aménagiste, la seule à même d’asseoir les grands équilibres régionaux, l’équité sociale et l’exploitation rationnelle des ressources (biotiques, hydriques, minérales, minières, foncières,).
Dans cet esprit, une des problématiques traitées au cours des questions orales à l’Assemblée populaire nationale le 9 janvier dernier, est justement inhérente à la politique d’aménagement du territoire.
Le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, a mise en avant «l’importance du Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) et du développement durable».
Dans ce contexte, il a fait savoir que ce Schéma, adopté en 2010 et révisé en 2023 pour l’horizon 2030, « établit les repères nécessaires pour atteindre les objectifs de la politique nationale de développement sur l’ensemble du territoire national, afin de réaliser un équilibre entre les régions du nord, des Hauts-Plateaux et du Sud, tout en tenant compte des spécificités géographiques, naturelles et économiques propres à chaque région ».
Le document du SNAT précise que la loi n°01-20 du 12 décembre 2001, relative à l’aménagement du territoire et au développement durable, repose sur trois axes fondamentaux : l’équité sociale, l’efficacité économique et l’efficience écologique.
Corriger les déséquilibres et les déficits de développement
Les aménagements de la ville nouvelle de Boughezoul, la transformation de la RN1 en autoroute sur le cours de la Chiffa, entre Blida et Médéa, et son élargissement jusqu’à Djelfa, puis Laghouat, les grands travaux d’élargissement de la rocade des Hauts Plateaux ainsi que la réalisation, en parallèle, des lignes de chemins de fer, sont les quelques éléments les plus saillants d’un ensemble de projets d’investissements publics- déjà démarrés, pour certains, achevés pour d’autres, ou bien encore à l’étape des études préliminaires ou d’exécution pour d’autres projets-, qui sont conçus pour un maillage du territoire du couloir des Hauts Plateaux algériens de l’est à l’ouest.
Les infrastructures et équipements publics programmés, ainsi que nouveaux textes législatifs et réglementaires encourageant l’investissement dans ces zones de steppe, proviennent d’un double constat fait par les aménagistes et les gestionnaires de l’économie et du territoire.
D’abord, il s’agit d’un constat de déficit de développement dans les communes situées dans cet espace longiligne couvrant une superficie de près de vingt millions d’hectares.
Déficits ou retard dans les infrastructures routières, l’énergie électrique, habitat, adduction d’eau potable, gaz naturel, structures et équipements de santé, éducation, infrastructures culturelles et de loisirs,…etc.).
Ensuite, le SNAT et d’autres études faites par des départements techniques liées à des secteurs de la vie économique nationale, ont pu relever que notre pays vit un flagrant déséquilibre sur le plan de l’occupation de l’espace (habitat, démographie, infrastructures, activités économiques,…), faisant que la région septentrionale du pays, de la côte aux chaînes de l’Atlas tellien, est sollicitée audelà de la mesure par la population, pour y habiter et travailler.
Les services de l’État, pendant des décennies, n’ont fait que suivre ce mouvement par des programmes d’industrialisation et de développement social tous azimuts.
Le résultat des courses est la saturation de la zone du nord (habitat, activités, circulation routière, pression sur les ressources naturelles,…), ce qui conduit imparablement aux phénomènes de mal-vie, de promiscuité, de maux sociaux, d’anarchie urbanistique, de tension chronique sur certains produits ou services publics, d’emploi et, enfin, un déficit d’intérêt pour de vastes territoires steppiques ou du Sud, lesquels, forment, à eux seuls, 80 % de la surface totale du pays.
Stratégie de gestion de l’espace et des ressources
Le Schéma national d’aménagement du territoire se décline en une stratégie de gestion de l’espace géographique et des ressource, matérialisée dans un document issu de la concertation de tous les secteurs d’activité ; l’objectif qui lui est fixé est de stabiliser la répartition spatiale des populations algériennes, des activités agricoles et industrielles selon la vocation des régions, les potentialités des terrains et les contraintes du milieu, et ce, à l’horizon 2030. Il s’agira, dans une logique globale, de tendre à harmoniser davantage la relation entre l’homme-citoyen agissant et son milieu naturel.
L’aménagement du territoire est un concept et une stratégie. Il n’est pas un « secteur » au sens administratif du mot, c’est-à-dire relevant d’un ministère, même si cet intitulé est affecté à un département ministériel, actuellement le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire.
Au début des années 2000, l’administration de l’aménagement du territoire relevait du ministère de l’Environnement. Sans doute, l’un des points faibles de cette administration est de ne pas avoir de prolongement déconcentré au niveau des wilayas.
En 2023, lors de l’opération de révision et d’enrichissement de l’ancien SNAT à l’horizon 2030, le service réceptacle dans les wilayas, désigné aussi comme secrétariat, était la direction de l’Urbanisme, de l’Architecture et de la Construction (DUAC).
L’aménagement du territoire, c’est la stratégie de l’État dans sa vision globale telle qu’elle est censée s’appliquer à la gestion du territoire et des ressources, ainsi qu’à l’organisation institutionnelle du pays.
Donc, c’est un peu le « carrefour » des stratégies sectorielles, assurant une bonne imbrication de ces dernières dans une harmonie générale tenant compte des différentes zones écologiques et climatiques du pays, des données topographiques, de la disponibilité et des possibilités d’exploitation de ressources naturelles, de la sensibilité des zones frontalières,…etc. De la prise en compte de tous ces facteurs découlera le mode de gestion et chaque espace délimité.
Dans ce sens, le SNAT, décliné à l’échelle de l’ « Espace de programmation territoriale » (EPT) signale : « Dans un souci d’équité territoriale, la programmation des actions d’aménagement et de développement du territoire se fait à différentes échelles (commune, groupement de communes, wilaya, espace de programmation territoriale, nation). Ces dernières sont fixées par la loi n°01-20 du 12 décembre 2001, qui impose pour chacune d’elles la dotation d’un schéma ou plan d’aménagement et de développement durable. De même, cette loi fait aussi obligation pour les secteurs de se doter de schémas directeurs des grandes infrastructures et des services collectifs d’infrastructures d’intérêt national».
L’aménagement du territoire est un choix politique et un acte volontariste de l’État, qui consistent à organiser, à équiper et à gérer le territoire ».
A. N. M.