Alors que le mois de novembre entre dans sa deuxième semaine, les pluies tardent à venir et se font ardemment attendre, que ce soit par les agriculteurs ou les populations des différentes régions du pays, auprès desquels les inquiétudes sont de plus en plus vives, craignant l’aggravation de la situation du stress hydrique qui affecte le pays ces dernières années.
Par Mohamed Naïli
En effet, à l’exception des quelques précipitations orageuses du week-end dernier, une situation inédite est en train de se produire, avec l’été qui semble déterminé à jouer les prolongations et le niveau des réserves, barrages et nappes phréatiques, qui baisse sans cesse, alors qu’en pareille période de l’année, elles sont censées se recharger.
La question de l’eau, constituant une préoccupation majeure, revient ainsi dans le débat alors que l’actualité est marquée par l’ouverture dès hier de la COP27 (Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), à Charm El Cheikh, en Egypte et à laquelle pas moins de 200 pays prennent part.
En Algérie, placée désormais par les Nations unies parmi les pays affectés par le stress hydrique dont les disponibilités en eau sont inférieures à 1 700 m3/an/habitant, bien que d’énormes moyens et fonds soient mobilisés ces dernières années pour renforcer les capacités de stockage et augmenter les disponibilités en eau, il reste que la sécurité hydrique est encore loin d’être atteinte. La raréfaction de cette ressource précieuse est plus perceptible dans les wilayas de l’ouest et centre du pays, selon les indicateurs de l’ANBT (Agence nationale des barrages et des transferts).
Au dernier bilan fourni par cet organisme, le taux de remplissage des barrages au mois de septembre dernier n’a été que d’une moyenne nationale de 34,3%, réparti sur les différentes régions du pays. Ainsi, selon l’ANBT, si les wilayas de l’Est sont moins touchées par la baisse des disponibilités de l’eau, avec un taux de remplissage des barrages dépassant de peu les 50% (50,69%), ce sont les wilaya du centre, dont Alger et sa périphérie, Tipaza, Tizi Ouzou, Tipaza, Médéa, qui sont exposées au risque de pénurie d’eau si les précipitations tardent encore à venir, puisque le taux de remplissage des barrages dans ces régions n’est que de 17,84%, alors qu’à l’ouest du pays, les réserves de la zone de Chlef, desservant aussi les wilayas de Tiaret, Mostaganem, Aïn Defla entre autres, est de 30,59%. Il est utile toutefois de préciser qu’étant que ces taux ont été enregistrés en septembre dernier, en conséquence, en l’absence de pluies, le niveau des disponibilités a continué forcément à diminuer, notamment au niveau des barrages Tichi Haf, dans la wilaya de Béjaïa, Koudiet Acerdoune, dans la wilaya de Bouira et autres infrastructures similaires à Bordj Bou Arréridj, classés au « rouge » dans le rapport d’évaluation de l’ANBT.
Les spécialistes sont unanimes à tirer la sonnette d’alarme sur les risques du stress hydrique qui plane sur le pays et à appeler à envisager une nouvelle approche pour la mobilisation et la gestion des ressources potentielles. En se penchant sur les potentialités de l’Algérie en ressources en eau, le spécialiste des questions environnementales et des changements climatiques, Samir Grimes, les évalue à près de 19 milliards m3, dont près de 60% sont considérées comme des eaux superficielles (les eaux stockées dans les barrages, les cours d’eau, etc.). Quant aux eaux souterraines, cet expert estime que celles-ci se trouvent principalement dans les régions du sud (Sahara), dont les nappes albiennes, mais qui ont un caractère quasi fossile, puisqu’elles ne se renouvellent que partiellement, « seulement 1/7ème de ces eaux est renouvelable », estime-t-il.
De son côté, l’hydrogéologue Malek Abdeslam ne cesse de réitérer son appel à récupérer les eaux des cours d’eau permanents et les transférer vers les infrastructures d’emmagasinement, en l’occurrence les barrages et les retenues collinaires, comme c’est le cas des eaux du Oued Sebaou qui afflue des montagnes de la haute Kabylie et traverse toute la wilaya de Tizi Ouzou jusqu’à Dellys, dans la wilaya de Boumerdes, où il se diverse en mer.
Le pari du dessalement de l’eau de mer
De leur côté, les pouvoirs publics mobilisent d’importants moyens ces dernières années pour assurer la sécurité hydrique et répondre aux besoins exprimés que ce soit dans l’agriculture, qui consomme plus de 70% des eaux disponibles, mais aussi en AEP (alimentation en eau potable) ou les secteurs de l’industrie, le tourisme et autres.
Outre le renforcement du réseau des barrages, l’Etat s’est lancé depuis 2021 dans la réalisation d’une série de stations de dessalement de l’eau de mer, produisant actuellement l’équivalent de la consommation annuelle de 20% de la population et, à l’horizon 2030, près de la moitié de la population sera alimentée en eau dessalée, avec l’entrée en activité de l’ensemble de stations qui sont en cour de réalisation actuellement.
Près d’une quinzaine de stations de dessalement sont en effet opérationnelles et 5 nouvelles stations entreront en activité dès 2024, selon le programme du gouvernement, avec des capacités de production supplémentaires de 1,5 million m3/jour, soit une moyenne de 300 000 m3/jour chacune des nouvelles infrastructures, ce qui portera donc le volume global des eaux issues du dessalement de l’eau de mer à près de 4 millions m3/jour.
Compte tenu du caractère stratégique de cette ressource et des vulnérabilités qui la guettent, le gouvernement a aussi renforcé le tissu réglementaire et les instruments juridiques veillant sur la préservation des ressources en eaux pour lutter contre toute forme de gaspillage ou d’exploitation abusive. C’est le cas de la loi de 2005 (loi 05-12), à titre d’exemple, instituant une « police des eaux » affiliée au ministère des ressources en eau ou le code pénal stipulant que les ouvrages et installations du domaine public hydraulique doivent être accessibles à ladite police des eaux en vue de prévenir ou constater toute éventuelle infraction ou autres pratiques illégales.
M. N.