Même avec l’apport des dernières précipitations pluviales de la fin mars et début avril courant, les disponibilités en ressources hydriques demeurent encore loin d’être en mesure de couvrir les besoins exprimés, tant pour la consommation courante que pour les activités économiques, notamment agricoles.
Par Mohamed Naïli
Au dernier bilan, dont a fait part le ministère des Ressources en eau, hier, le taux de remplissage des barrages est mitigé puisqu’il n’est que de 22% au centre du pays et moins à l’ouest, alors qu’il atteint, désormais, les 60% pour ce qui est des infrastructures de stockage à l’est du pays.
Au-delà de la baisse de la pluviométrie, devenue phénomène naturel crucial qui s’exprime par des épisodes de sécheresse chroniques ces trois dernières années, le manque d’investissements pour la récupération des eaux de surface lui aussi contribue à l’aggravation de la crise hydrique, ceci au moment où l’absence d’entretien réduit les capacités d’emmagasinement des barrages.
C’est le cas dans le centre du pays où les barrages de Taksebt et Keddara qui couvrent jusqu’à 50% des besoins en eau des wilayas d’Alger, Tizi Ouzou et Boumerdès connaissent des contraintes amenuisant leur exploitation optimale. Le barrage de Taksebt, dans la wilaya de Tizi Ouzou, dont le taux de remplissage actuellement ne dépasse pas les 30%, devait être alimenté par les eaux de l’oued Sebaou devant venir en appuie aux affluents sis en amont. Mais, à présent, les canalisations installées ne récupèrent qu’entre 30 000 et 40 000 m3/jour, alors que ces capacités de récupération peuvent être augmentées jusqu’à 100 000 m3/jour, selon l’hydrologue et directeur de recherche à l’université Mouloud Mammeri, Malek Abdeslam, qui regrette également que « quelque 1,5 milliards m3 d’eau du Sebaou se perdent annuellement et se déversent dans la mer ». Il faut noter que le débit du barrage Taksebt, dont les capacités nominales sont estimées à plus de 180 millions m3, s’élève à 150 000 m3/jour, destinés respectivement pour Tizi Ouzou (100 000 m3/j), Alger et Boumerdès (50 000 m3/j), selon la direction régionale de l’ADE.
Pour le professeur Malek Abdeslam, la technique de récupération des eaux du Sebaou et leur transfert vers le barrage de Taksebt est moins coûteuse et ne nécessite pas beaucoup du temps. « Il est encore possible de récupérer d’importants volumes avant l’été en les stockant dans le lit de l’oued et en souterrain dans les nappes alluviales en relation avec le Sebaou et en pompant réellement des millions de m3 vers Taksebt. C’est très facile, rapide et très peu couteux, sinon après il sera trop tard », avertit-il pour attirer l’attention sur les quantités appréciables disponibles actuellement dans le Sebaou suite aux récentes pluies.
Barrages envasés
Cependant, en l’absence de dispositifs efficaces pour la protection des réserves hydriques, les nappes souterraines le long du lit du Sebaou connaissent un rabattement spectaculaire, ce qui a contraint la direction locale de l’hydraulique à fermer une trentaine de forages d’AEP.
L’autre infrastructure qui subit les effets du manque d’entretien et dont les capacités de stockage devaient dépasser les 140 millions m3 mais sont fortement réduites est le barrage Keddara, sis dans la wilaya de Boumerdès et qui alimente principalement la wilaya d’Alger. Il y a quelques mois déjà, les élus de l’ancienne assemblée de la wilaya de Boumerdès ont tiré la sonnette d’alarme quant à la forte concentration de carrières d’agrégats dans les périmètres immédiats du barrage et dont les déchets sont directement charriés par les eaux de pluie dans l’enceinte de cette infrastructure. Ces élus recensent « 17 carrières qui sont en exploitation dans la région, dont 9 sur le territoire de la commune de Kherrouba et 8 autres à Keddara », ce qui a fait que « les capacités du barrage se sont fortement réduites à cause de l’envasement. D’énormes quantités d’agrégats et de poussière se dégageant des carrières finissent dans le barrage. La couche de la boue ne cesse de prendre de l’ampleur et elle est visible sur les berges du barrage », témoigne un membre d’une association pour la protection de l’environnement.
Enfin, sans la révision de la politique de gestion non seulement des ressources en eau mais aussi d’optimisation et de l’exploitation des infrastructures de stockage et leur entretien, le stress hydrique ne fera que s’accentuer.
M. N.