À l’instar de tous les autres pays au monde, la culture du commerce électronique et le paiement en ligne a fait son entrée en Algérie depuis quelques années, mais, outre les lenteurs qu’observe le développement de la numérisation des transactions commerciales, c’est l’informel qui gagne la toile et suscite des appréhensions.
Par Mohamed Naïli
En effet, même si il y a des commandes qui se font en ligne mais finissent toujours par être réglées en cash lorsqu’il s’agit de paiement. « Qui ne peut pas commander sa pizza en ligne ? Qui n’achète pas certains produits en ligne ? Mais qui ne paye pas en cash quand il reçoit le livreur ? » C’est dans ces termes que Djaouad Salim Allal, expert en numérique et directeur général d’ADEX Technology, a synthétisé l’état des lieux du marché du e-commerce et du e-paiement en Algérie actuellement lors de son passage à la chaine 3 de la radio nationale dont il a été l’invité de la rédaction.
Pour être plus précis, l’expert en numérisation explique que, « lorsqu’on examine les chiffres de GIE Monétique (Groupement d’Intérêt Economique), site de référence en termes de statistiques, l’on se rend compte que les transactions du e-payement liées au e-commerce ne sont que de l’ordre de 11 milliards de dinars », ce qui est en de-deçà des objectifs tracé en la matière.
Allant plus loin dans son illustration, il ajoutera que « le retrait en cash étant de l’ordre de 1 723 milliards de dinars, l’on se retrouve à un ratio de moins de 1% », et de préciser que « si beaucoup des produits commercialisés sont déclarés, une bonne partie en revanche émane du secteur informel dans ce e-commerce », ce qui fait donc que les fonds qui y circulent « émanent du système bancaire, transitent par le secteur informel et reviennent à la banque ».
Comme signe qui suscite moins d’optimisme, l’expert en numérique fait remarquer un recul du peu de ce qui a été développé jusqu’ici dans le domaine du e-commerce. Lequel recul qui s’explique par plusieurs facteurs, dont, cite-t-il, les dernières mesures législatives imposant l’application de la TVA sur les transactions commerciales en ligne qui jusque là étaient exonérées de cette taxe. La diminution des flux des produits importés constitue également un autre élément qui plombe le commerce électronique relevant du secteur réglementaire (formel), et ce, du fait qu’ « il y a moins de produits en stocks chez les grandes enseignes commerciales », explique M. Allal.
Pour venir à bout des contraintes empêchant l’avènement du commerce électronique, beaucoup d’opérateurs et spécialistes en la matière, appellent sans cesse à plus de souplesse de la réglementation régissant ce secteur qui est nouveau dans le paysage économique national.
Charges fiscales
A cet égard, le président du GAAN (Groupement algérien des acteurs du numérique), Bachir Tadj Eddine, appelle ouvertement à la révision du cadre juridique du commerce électronique, notamment la loi 18-05 du 10 mai 2018. Pour lui, la révision de cette loi est devenue nécessaire du fait que le secteur du numérique a connu des nouveautés non prises en considération par ladite loi. D’autre part, le président du GAAN juge contraignante la hausse de la TVA appliquée aux transactions électroniques qui est passée de 9 % à 19%.
« Cette taxe de 19 % est venue complètement à l’opposé de ce que nous réclamions à savoir la suppression d’impôts pour l’e-commerce durant trois ans afin d’inciter les commerçants et les clients à l’utilisation des moyens de paiement électronique », déclarait récemment Bachir Tadj Eddine.
Du côté de l’administration relevant du secteur du commerce, les derniers bilans statistiques en la matière reflètent eux aussi la lente cadence du développement du commerce électronique sur le marché national comparativement à d’autres pays ayant le même niveau de pénétration d’internet que l’Algérie.
Le nombre de commerçants et opérateurs activant dans le e-commerce inscrits au niveau du Centre national du registre de commerce (CNRC) avoisine ainsi les 2 500, vient de faire savoir la directrice de la coopération et de la communication au niveau du CNRC, Nadjet Oulmi. Cependant, est-il utile de rappeler, depuis juillet dernier, le CNRC a créé un code à part spécifiant l’activité de e-commerce tel qu’énoncé par la loi 18-05 de 2018 relative au commerce électronique.
Par ailleurs, en dépit de la volonté exprimée, tant par les pouvoirs publics que les opérateurs économiques, pour accélérer le développement de la numérisation et des paiements électroniques sur le marché national, il n’en demeure pas moins que de multiples contraintes subsistent et ne font que rebuter les utilisateurs. A titre d’exemple, en matière de retrait d’argent au niveau des distributeurs GAB, la commission de près de 0,5% sur le montant de la transaction appliquée par les banques est jugée excessive par de nombreux utilisateurs. « J’ai effectué un retrait de 10 000 DA sur un distributeur de billets et lorsque j’ai consulté l’historique de mon compte, j’ai constaté que 47 DA ont été prélevés pour cette opération, soit 0,47%, ce qui est énorme », témoigne un salarié. Par conséquent, à ce tarif, de nombreux utilisateurs privilégient les retraits au guichet par chèque de la totalité de leur argent et garder les liquidités à leur niveau.
Enfin, le premier salon du e-commerce et des services en ligne qui se tient au palais des expositions des Pins maritimes à Alger depuis mercredi jusqu’à demain vendredi et auquel une soixantaine d’acteurs économiques intervenant dans ce secteur prennent part, est une nouvelle occasion pour tenter de cerner les facteurs contraignants qui plombent le commerce électronique en Algérie et envisager des solutions pour permettre à l’économie nationale de se mettre en mode 2.0 d’une façon effective.
M.N.