L’urbanisation effrénée du pays, et en particulier dans sa bande nord, entre la steppe et la région côtière, où habitent près de 80 % de la population, commence à peser sur le cadre et la qualité de vie des citoyens, si bien que les recherches dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire se focalisent souvent sur ce phénomène dans ses dimensions physique, environnementale, sociologique et psychologique.
Par Amar Naït Messaoud
De même, les associations versées dans le créneau de la protection de l’environnement se manifestent, de différentes façons, sur les réseaux sociaux, en s’associant aux collectivités locales, en investissant la communication pédagogique au niveau des établissements scolaires ou de sorties sur le terrain
Sur le plan institutionnel, les ministères de l’Intérieur et de l’Environnement- ce dernier ayant intégré, à bon droit, dans son intitulé, la qualité de la vie-, ont mis des programmes de verdissements des villes et des villages, et ce, avec les soutiens de l’administration des forêts.
En 2019, le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, avait chargé les communes et les wilayas du pays de mettre en place des programmes pour la création d’espaces verts de proximité répondant aux normes internationales.
Il a été décidé que le ministère veillera à intégrer les espaces verts dans tous les projets de construction d’infrastructures publiques comme un impératif dont les études urbanistiques et architecturales devront tenir compte.
À cette occasion, le ministère avait en mis en avant le seuil minimal (norme), tel qu’il est retenu à l’échelle mondiale, à savoir offrir une superficie de 10 M2 par habitant à l’intérieur des périmètres urbains (cités, rues, ensembles immobiliers, institutions, quartiers résidentiels, quartiers d’affaires…).
Les espaces verts en question relèvent de plusieurs formes et formules, définis dans les textes réglementaires (jardin botanique, jardin collectif, jardin ornemental, jardin résidentiel, jardin particulier, arbres d’alignement intra-muros, les arbres d’alignement extra-muros, les bosquets, les forêts urbaines…).
Ces espaces verts- concept générique-, sont destinés à être classés par les pouvoirs publics (le président d’Apc, pour certaines catégories et, le wali, pour d’autres catégories). Le classement requiert une phase d’étude et d’inventaire et une autre phase relative au classement lui-même Sans inventaire ni comptage exhaustif, le constat établi pour plusieurs villes algériennes et qu’elles sont loin des normes internationales en matière d’espace verts. Il y a des espaces urbains où la superficie occupée par la verdure descend à 20 fois inférieure à la norme mondiale.
Pour une nouvelle cartographie économique et démographique
Ce qui était naturellement attendu depuis le lancement de plusieurs programmes comprenant des centaines de milliers d’unités de logements répondant à diverses formules et typologies (AADL, social collectif et social évolutif, LSP, promotionnel, habitat rural…), est que la demande en logements marque un certain répit, ou du moins perde un peu de son rythme.
Mais, les besoins exprimés sur le terrain sont toujours là et les programmes de logements dans l’étroite bande géographique du nord continuent à se multiplier dans leurs différentes formules.
Cette persistance de la demande en logement s’inscrit dans la durée et répond, dans la réalité, à une logique beaucoup plus complexe que l’on ne peut circonscrire dans une simple croissance démographique touchant les lieux où la demande s’exprime.
C’est toute la politique de l’aménagement du territoire du pays qui est en train d’exprimer, à travers cette particularité liée à l’immobilier, ses incohérences. Pour cibler les mécanismes de l’économie qui créent ce genre de situation paradoxale, les analystes
incriminent singulièrement la non-prise en compte des orientations du Schéma national de l’aménagement du territoire (SNAT) dans ses composantes de création d’attractivité et d’incitations à même de redistribuer la carte des activités industrielles, agricoles, commerciales, des services, laquelle carte induira la redistribution plu équilibrée de l’habitat et de la démographie.
Le déséquilibre de la répartition démographique caractérisant le territoire national, greffé à la consommation effrénée des terres agricoles pour les besoins du béton, font peser, à moyen terme, un une hypothèque sur le cadre général de vie des citoyens et sur l’environnement immédiat, déjà bien mis à mal par toutes sortes de pollutions et de « rurbanisations ».
Au lieu que les autorités et les techniciens algériens consacrent leurs efforts à la réflexion sur un meilleur cadre de vie en améliorant la qualité du bâti, l’architecture des immeubles et l’embellissement des espaces secondaires et les dépendances de nos cités, ils se voient réduits à satisfaire la demande en logements sous toutes ses formules sans que l’équilibre spatial, démographique et économique ambitionné par la SNAT ait des chances d’être consacré dans les faits à l’échelle du territoire national.
L’urbanisation, charriée par des programmes de logements qui ne répondent pas aux orientations de l’aménagement du territoire, évolue en une sorte de cycle infernal où les urbanistes, les aménagistes, les architectes et les paysagistes disposent de très étroites marges de manœuvre.
Des villes- étouffoirs en été en raison de l’excès de bétonisation et du manque de verdure, des villes-gadoue en hiver en raison du charriage de boue induit par des pluies qui s’abattent sur des terrains ou talus dénudés, l’état des villes algériennes en matière d’environnement et de qualité de la vie requiert encore beaucoup d’efforts dans le sens de la rationalisation de l’occupations de l’espace et de la mise à niveau en matière de verdissement.
Aux programmes officiels de construction de logements s’ajoutent les constructions illicites qui, dans certaines régions finissent en conurbations. Là, on ne peut espérer ni arbres d’alignement, ni bosquet, ni jardin public.
Le constat vaut pour la plupart des villes algériennes, lesquelles, une fois tirées au-delà du centre nodal de l’ancienne médina arabo-berbère ou de la cité coloniale, peinent à faire valoir les valeurs de citadinité ou de simple habitabilité.
Le problème tient aussi bien aux règles d’urbanisme et aux normes de constructions qu’aux « candidats » à l’occupation de ces espaces.
Un outil législatif novateur
Le souci de faire accompagner les nouvelles cités ou quartiers par des embellissements en espaces verts est plus une exception qu’une règle. C’est pourquoi, outre des les lois et règlements qui régissent les secteurs de l’environnement, des forêts et de l’urbanisme, le gouvernement algérien a promulgué en mai 2007 une loi spécifique aux espaces verts.
Il était bien temps. Dans le contexte de l’urbanisation à tout va et de l’anarchie architecturale ayant caractérisé les paysages citadin et rural d’Algérie, cet outil législatif constitue, de par les clauses claires qu’il établit en accompagnement de toute construction en milieu urbain, et de part aussi l’appareil coercitif qu’il instaure, s’érige en instrument réglementaire d’une grande portée qui est mis à la disposition des gestionnaires des territoires, et en particulier des communes.
Dans ses dispositions générales, la loi 07-06 du 13 mai 2007 relative à la gestion, à la protection et au développement des espaces verts définit les objectifs de la gestion, de la protection et du développement des espaces verts en ces termes : « améliorer le cadre de vie urbain ; entretenir et améliorer les qualités des espaces verts urbains existants ; promouvoir l’extension des espaces verts par rapport aux espaces bâtis ; et de faire de l’introduction des espaces verts, dans tout projet de construction, une obligation prise en charge par les études urbanistiques et architecturales publiques et privées ».
Comme sont aussi définis les espaces d’interventions inhérents au jardin botanique, jardin collectif, jardin ornemental, jardin résidentiel et jardin particulier. À ces entités strictement urbaines, s’ajoutent les forêts urbaines (bosquets, groupes d’arbres, ceintures vertes) et les alignements boisés (formations arborées situées le long des routes et autoroutes).
Les deux instruments de gestion des espaces verts prévus par la législation sont le classement officiel de l’aire à déclarer comme étant un espace vert et, ensuite, l’établissement des plans de gestion de ces mêmes espaces.
En matière de construction dans la proximité immédiate d’un espace vert, l’article 15 précise «toute construction ou infrastructure devant être implantée inférieure à 100 mètres des limites d’un espace vert est interdite ».
Dans le même esprit, l’article 16 stipule que « toute demande de permis de construire est refusée si le maintien des espaces verts n’est pas assuré ou si la réalisation du projet entraîne la destruction du couvert végétal ».
La loi astreint également les bureaux d’études en architecture et urbanisme à intégrer cette donne dans leurs plans de construction : « Toute production architecturale et/ou urbanistique doit intégrer et prendre en charge la nécessité des espaces verts selon les normes et objectifs fixés par la présente loi »
A. N. M.