L’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne (UE) est appelé à être révisé au cours de l’année 2025. Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a souligné, en décembre dernier, que cette révision, jugée « nécessaire », sera menée « avec souplesse et dans un esprit amical sans entrer en conflit ». Il ajoutera : « nous entretenons des relations normales avec les États de l’Union européenne, y compris la France ».
Par Amar Nait Messaoud
Depuis qu’il a été signé en 2002, dans une ambiance d’impréparation et d’euphorie, et depuis qu’il a été mis en œuvre, en septembre 2005, dans une conjoncture d’aisance financière qui ne prédisait, pour les gestionnaires de l’économie nationale, aucune ombre au tableau, l’Accord d’association Algérie-Union Européenne a fini par montrer toutes ses facettes, y compris les moins souhaitées.
Cela fait presque près de vingt ans de transactions commerciales, avec des faveurs douanières pour les produits issus du territoire de l’Union européenne allant progressivement, selon le déroulement d’une nomenclature de produits adoptée par les deux parties.
Depuis la mise en œuvre de l’Accord, l’Algérie a connu un passage, sans transition, de l’aisance à la crise des prix pétroliers à la mi-2014. La chute des prix du pétrole, à partir de cette date, avait déjà commencé à faire douter les autorités algériennes des « bienfaits » d’un tel Accord.
En réalité, les experts nationaux et des partis politiques avaient tenté d’attirer l’attention du gouvernement dès le départ, mettant en avant l’impréparation de l’économie algérienne à subir une espèce de concurrence déloyale, mais paradoxalement légale, puisque instaurée par un accord régional. L’on se souvient que la première version de l’Accord d’association prévoyait l’ouverture d’une zone de libre-échange entre l’Algérie et l’Union Européenne à l’échéance 2017.
Entretemps, les produits importés par l’Algérie à partir du territoire de l’Union, bénéficient d’abattements tarifaires au niveau de la Douane algérienne. Cette échéance, de zone de libre- échange, sera reporté ensuite à 2020.
Le calendrier a été chamboulé par une série d’aléas. Il était attendu de l’Accord que les produits nationaux puissent être « secoués » par cette concurrence et qu’ils se mettraient à chercher à acquérir des facteurs de compétitivité.
C’était compter sans le passif que traînait l’appareil de production nationale-entreprises publiques et privées- en matière de management et de mise à niveau technique et technologique. Il était également attendu que l’Union Européenne initie des mouvements d’investissements à grande échelle dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. Le résultat ne s’est pas fait attendre.
En quelques années, le constat a été établi par la partie algérienne, que l’Accord d’association est devenu synonyme d’une vaste opération d’exportation de produits européens vers un pays fort, alors, de ses 35 millions d’habitants et de son pouvoir d’achat permis par les recettes pétro-gazières.
En outre, le Trésor public a enregistré plusieurs milliards de dollars au titre du manque à gagner issu des démantèlements tarifaires.
Cela ne faisait sans doute pas beaucoup « mal » sous l’ère de l’aisance financière, avec des réserves de changes qui avaient frôlé les 200 milliards de dollars à l’orée de la crise de 2014. Cependant, l’Algérie commençait à s’inquiéter déjà de l’approche de l’échéance de la zone de libre- échange en 2017.
Ce qui poussa notre pays à demander une prorogation de délai pour cette échéance, la renvoyant à 2020. Ce fut après un gel unilatéral opéré par l’Algérie en 2010 sur les concessions tarifaires accordées à l’Union Européenne.
Le contexte économique algérien a radicalement changé
La prorogation de délai pour l’ouverture de la zone de libre- échange était une décision peut-être insuffisante, mais bonne à prendre. La suite des événements donna raison aux négociateurs algériens. Car, imaginons l’ouverture de la zone de libre- échange en ce moment, c’est-à-dire en 2017, année prévue initialement par l’Accord d’association !
D’ailleurs, dans le contexte de l’époque, caractérisé par la crise des finances extérieures, certaines appréhensions s’étaient exprimées ça et là, quant au devenir du contenu de l’Accord d’association par rapport à la nouvelle politique d’importation adoptée par le gouvernement, à travers les licences d’importation et le contingentement de certains produits.
Le ministre du Commerce, l’actuel président Abdelmadjid Tebboune, a été amené à rassurer la partie européenne quant à l’intégrité de l’Accord d’association. Le président de la République estime aujourd’hui que « l’accord avec l’Union européenne a été conclu à une époque où l’Algérie était bien différente de celle d’aujourd’hui », expliquant que, à l’époque, la contribution de l’industrie au revenu national ne dépassait guère 3% et nous importions des produits agricoles sans en exporter. En d’autres termes, l’Algérie d’alors n’avait pas de capacités d’exportation ».
Aujourd’hui, « la donne a changé, l’Algérie produisant et exportant désormais une grande variété de produits manufacturés, électroménagers et autres ».
La demande formulée par l’Algérie, de révision de cet accord est justifiée, selon le président Tebboune, par le fait que « l’essence même de l’accord avec l’Union européenne repose sur le libre-échange, et nous souhaitons le faire dans un esprit amical sans entrer en conflit ».
Il mettra en avant le fait que les États membres de l’Union européenne « veulent entretenir de bonnes relations économiques avec l’Algérie et ne s’opposent pas à une révision de l’accord ».
A. N. M.