Algérie-UE : Les raisons du délire européen

Algérie-UE : Les raisons du délire européen

La nouvelle attention que l’Union Européenne vient d’accorder, de façon bruyante, à la relation commerciale la liant à l’Algérie, n’a pas le mérite de la clarté et de l’honnêteté. Des observateurs ne manqueront pas de la qualifier même de cynique. Par la voix de la Commission européenne, on a appris, le 14 juin dernier, que cette institution a adressé à Alger une « requête » par laquelle elle entend engager une procédure d’arbitrage de «règlement des différends». Objet du mécontentement de la Commission européenne : elle reproche à l’Algérie d’avoir réduit ses importations du territoire de l’Union.

Par Amar Naït Messaoud

Sans doute, comme symptôme, ce recul des exportations européennes vers l’Algérie, mérite une attention, mais d’une autre nature. Le constat étant fait, il importe aux producteurs européens de chercher de nouveaux partenaires, de nouveaux marchés, de procéder à des politiques de conversion. Mais, ce sont leurs problèmes et non ceux de l’Algérie.

La réorientation du partenariat commercial vers la Chine, la Turquie et d’autres pays non européens, ainsi que le réveil de la production nationale algérienne dans un certain nombre de créneaux, a suscité l’ire de la Commission européenne !

En 2015, les importations algériennes (biens et services, y compris des études et expertises), à partir du territoire de l’Union Européenne, avoisinaient les 23 milliards de dollars par an. En 2023, elles sont descendues à moins de 15 milliards de dollars. Les restrictions ont particulièrement touché les secteurs de l’automobile et de l’agriculture.

À un certain moment, des critiques ont été entendues ici en Algérie, venant de quelques opérateurs économiques ou consommateurs touchés par la pénurie de certaines pièces de rechange ou de médicaments, au moment où la production nationale dans ces créneaux était insuffisante.

C’étaient des requêtes bien légitimes, que même le président de la République dit avoir comprises, en reprochant à l’administration d’avoir fait parfois un «mauvais» ciblage dans les mesures de restriction.

Mais cela demeure un problème «algéro-algérien», d’ailleurs temporaire, pour lequel des solutions sont apportées par le réajustement transitoire des mesures d’importation, mais surtout par la relance de la production nationale par les moyens d’investissements qu’il y a lieu d’encourager et d’encadrer.

Une vision biaisée : marché de 45 millions de consommateurs !

À la Foire internationale d’Alger (FIA) qui s’est clôturée ce samedi, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a déclaré : « L’Algérie a rationalisé l’importation et ne l’a pas arrêtée, ce qui serait inconcevable. (…). L’Algérie n’a pas cessé les importations, mais ce que nous produisons, nous ne l’importerons pas».

En tous cas, c’est là un problème interne à l’Algérie qui n’a rien avoir avec l’autre terme de l’équation matérialisé par l’avidité des exportateurs européens qui sont tentés de maintenir l’Algérie dans une position d’un marché de 45 millions de consommateurs qui lui serait définitivement acquis.

Dans un monde qui, sur le plan géostratégique et économique, est en perpétuelle recomposition, les choses se présentent autrement. La recherche de l’intérêt de chaque pays et de chaque économie est une ambition légitime, singulièrement dans le contexte d’aujourd’hui où les défis se déclinent en termes de sécurité alimentaire et de souveraineté du pouvoir de décision.

Face à la fermeté de la position algérienne sur ce chapitre, la Commission Européenne a tenté de mettre de l’eau dans son vin, en déclarant vouloir «engager un dialogue constructif en vue de lever les restrictions dans plusieurs secteurs allant des produits agricoles aux véhicules automobiles».

En d’autres termes, elle voudrait corriger le tir sur le plan de la forme, de façon à atténuer le niveau d’agressivité de la mesure qu’elle avait déclaré devoir prendre à l’encontre de l’Algérie, à savoir passer à la procédure arbitrale en se basant sur l’Accord d’association Algérie-UE de 2002, entré en vigueur en 2005 et en vertu duquel une longue liste de produits européens importés par l’Algérie devait bénéficier de dégrèvements douaniers.

Une liste en révision continue dans le sens de l’accroissement de sa nomenclature jusqu’à la phase de l’instauration de la zone de libre-échange, une première fois fixée à 2017, puis reportée à 2020et, depuis cette date, restée en suspens.

Un accord ayant institué un échange inégal

L’Accord d’association Algérie-UE a pesé doublement sur le processus de redressement de l’économie nationale. D’abord, par ce que certains entrepreneurs et industriels ont appelé une concurrence déloyale, mais… légale, que leur ont imposée les produits importés en provenance du territoire de l’UE, produits qui ont subi un démantèlement tarifaire progressif en droits de douanes.

Ces importations massives avaient poussé la production nationale dans ses derniers retranchements, d’autant plus que, à côté de la production européenne destinée à la consommation finale, ainsi favorisée, les investissements productifs de ces mêmes pays européens supposés créer de la plus-value et des emplois et être à l’origine de transferts technologiques- se faisaient désirer.

Ensuite, sur le plan des pertes en droits douaniers, générée par l’Accord d’association.

Des statistiques établissent une perte sèche pour le Trésor public algérien de plus de 8 milliards de dollars entre 2005 et 2018.Morale de l’histoire : en ruant dans les brancards, comme elle l’a fait, en contestant à l’Algérie le droit de choisir les produits à importer et les fournisseurs à solliciter, la Commission européenne fait montre d’un «mercantilisme» désuet, lequel ne peut plus avoir cours dans les relations commerciales internationales.

A. N. M.

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