L’un des facteurs majeurs qui détermine le volume et le rythme des investissements productifs demeure le foncier. Il est pour le moins inadmissible que, après plusieurs années de débats et de reformulations de procédures de concession ou de cession du foncier pour les activités industrielles ou touristiques, ce dossier continue à constituer, parfois et dans certaines régions, un écueil dans le processus de montage des projets et dans l’effort de la diversification économique que le gouvernement et les différents acteurs économiques s’attèlent à concrétiser sur le terrain. Les pouvoirs publics avaient même innové en 2016, créant, outre les grandes zones industrielles appelées à être viabilisées et construites aux standards internationaux, des micro-zones industrielles, de quelques dizaines d’hectares, dans plusieurs communes du pays.
Par Amar Naït Messaoud
La dimension modeste de ces microzones permet de les viabiliser plus rapidement et à moindre coût et à installer un tissu industriel aux dimensions de la commune permettant de créer localement de l’emploi et de verser taxes et impôts aux communes dont certaines, déshéritées, sont dans un besoin urgent.
Malgré ces efforts perceptibles sur le terrain, particulièrement avec la levée de gel sur des dizaines de projets bloqués auparavant pour des raisons purement bureaucratiques, certaines entreprises qui se présentent avec des projets d’investissement continuent à faire face au problème du foncier, y compris en subissant, pour certaines d’entre-elles, des situations litigieuses dont sont grevées des dizaines de parcelles alloties.
Par ailleurs, des dizaines d’assiettes attribuées depuis longtemps à certains candidats à l’investissement industriel- dans les zones industrielles (ZI) ou zones d’activités (ZAC)- étaient restées non exploitées. En 2021, le recensement des assiettes attribuées et demeurées inexploitées donnait une superficie globale de 3876 hectares, soit l’équivalent d’une dizaine de zones industrielles de moyenne superficie ou bien d’une centaine de microzones d’activités.
Le gouvernement avait alors instruit les walis d’aller vers des procédures d’annulation, de récupération et de réattribution de ces espaces laissés en jachère pour les valoriser en y faisant installer de nouveaux investisseurs.
Plusieurs wilayas ont alors engagé des procédures d’annulation et de récupération des assiettes qui n’avaient pas encore reçu les investissements prévus. Ainsi, des dizaines d’assiettes ont été récupérées et remises au portefeuille foncier à redistribuer pour de nouveaux candidats à l’investissement industriel.
La leçon des assiettes restées inexploitées
Certaines attributions, effectuées entre 2000 et 2020, n’avaient servi qu’à mettre en gage l’assiette en question pour l’obtention d’un crédit bancaire qui a été détourné de sa destination initiale, à savoir l’investissement déclaré auprès des services de la wilaya.
Incontestablement, le bond de la diversification économique, que compte réaliser l’Algérie pour sortir de sa dépendance par rapport aux hydrocarbures, ne peut se concrétiser sans la libération du foncier et l’assainissement de tous les segments liés à sa gestion.
Les responsables des entreprises algériennes, les agences de notation à l’échelle internationale ainsi que les institutions financières étrangères, intègrent le foncier dans ce qui est génériquement appelé le climat des affaires ou l’environnement de l’entreprise.
Le code de l’investissement algérien réserve des avantages pécuniaires aux investisseurs en relation avec le foncier. Ainsi, il est octroyé un abattement de 90% sur le montant de la redevance locative annuelle fixée par les services des domaines pendant la période de réalisation de l’investissement. Pendant la période d’exploitation, cet abattement est ramené à 50 %.
De même, l’entreprise est exonérée sur la taxe foncière relative aux propriétés immobilières entrant dans le cadre de l’investissement, pour une période de dix ans à compter de la date d’acquisition. Afin de juguler le phénomène d’abandon de terrains après leur mise en concession, le gouvernement a prévu une pénalité égale à 3% du montant de la concession devant être payée par les attributaires de ces terrains s’ils ne les ont pas exploités trois années après leur attribution.
Une pénalité plutôt symbolique par rapport au préjudice causé à l’État et à la dynamique d’investissement, sachant que d’autres promoteurs plus engagés auraient pu bénéficier de ce terrain pour leurs projets.
Il y a lieu de rappeler que, outre les parcs industriels viabilisés par l’État (zones industrielles et zones d’activités), les terrains à concéder pour les promoteurs de projets d’investissement sont également identifiés parmi les actifs résiduels des entreprises publiques (EPE) dissoutes et les actifs excédentaires des entreprises publiques économiques qui sont toujours en activité.
Un parcours complexe
Les procédures de mise à disposition du foncier industriel agents économiques candidats à l’investissement industriel ont connu un parcours complexe depuis la fin des années 1990. Il se trouve que, malgré des facilitations consignées dans les anciens textes réglementaires, des investisseurs se plaignaient souvent des lenteurs ou des litiges qui grevaient l’assiette foncière destinée à recevoir l’investissement.
L’ancien Comité d’assistance à la localisation et à la promotion des investissements et de la régulation du foncier (Calpiref), par la suite dissout, voyait ses séances se transformer souvent en de longs palabres et polémiques au sujet des attributions d’assiettes et du sort qui est réservé à celles qui étaient supposées être en phase d’exploitation.
À des obstacles bureaucratiques, allant jusqu’à dissuader des porteurs de projets, se greffait, bien entendu, la bureaucratie « ordinaire », la tentation corruptrice et la médiocrité des prestations bancaires. Les banques publiques, et même les filiales des banques étrangères installées en Algérie, avaient recours aux critères objectifs de la rentabilité des projets pour décider de leur « bancabilité ».
C’est pourquoi, des promoteurs de projets d’investissement nourrissaient toujours l’espoir d’obtenir une assiette de terrain en concession libre afin…de la donner en gage pour un crédit bancaire. Cependant, en se présentant devant le Calpiref, un grand nombre de promoteurs n’avaient pas de repères précis sur le montage financier du projet, si bien que le Comité, présidé par le wali, ajourne ou annule le projet. On était dans une logique de cercle vicieux où l’on se mord nécessairement la queue. Ces procédures avaient largement pénalisé l’acte d’investir.
Même en obtenant leurs assiettes dans certaines communes- par exemple dans les zones d’activités (ZAC)-, les promoteurs de projets d’investissements, qui ont la ferme intention de réaliser leurs rêves, ne sont pas toujours au bout de leurs peines. Car, un grand nombre de ces zones ne sont pas encore viabilisées.
Certaines d’entre-elles relèvent encore de la nature dans tout sa virginité (ni routes de desserte, ni électrification, ni réseau d’AEP et de gaz).
Soutenir la production nationale
En décembre 2024, le président de la République, au vu de la multiplication des demandes d’autorisations d’investissement, a donné des instructions tendant au renforcement du portefeuille foncier de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI).
Cette dernière structure, abritant le guichet unique pour les opérations d’investissement, est appelée, selon les instructions présidentielles, à assurer la disponibilité des assiettes pour au moins 20 000 projets d’investissement à l’horizon 2030.
Le cap de la diversification économique vers lequel compte se diriger l’Algérie ne peur plus s’accommoder des retards, des faiblesses ou des anomalies de la gestion du foncier industriel.
En avril dernier, le président de la République, lors de la deuxième édition de la rencontre nationale avec les opérateurs économiques, a déclaré que «le guichet unique est la solution radicale au problème du foncier destiné à l’investissement, qui ne relève pas de la responsabilité de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI)».
Le président précisera que le guichet unique «comptera des représentants de différents secteurs ministériels et des banques, jouissant de toutes les prérogatives».
Cette procédure, allégée et bien organisée, est, ajoutera le président, «la solution radicale à toutes les problématiques rencontrées par les porteurs de projets».
Abdelmadjid Tebboune affirme devant les opérateurs économiques réunis pour lever toutes les contraintes qui se dressent devant les projets d’investissement, qu’«il était déterminé à en finir avec toutes les formes de bureaucratie et à lancer des systèmes de veille à tous les niveaux pour soutenir la production nationale qui concurrence désormais les produits d’importation en termes de qualité».
A. N. M.







