L’Algérie et l’Espagne décident de renforcer leur coopération dans divers domaines, notamment ceux de la sécurité, de la lutte contre la criminalité et l’immigration clandestine, de la gestion des situations d’urgence liées aux catastrophes naturelles et également dans le domaine judiciaire, notamment pour la récupération des fonds détournés à l’étranger.
Par Akrem R.
Ce sont en effet des dossiers épineux nécessitant une coopération étroite entre Alger et Madrid pour leur résolution. La tenue des travaux de la réunion bilatérale, hier à Alger, entre le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, M. Saïd Sayoud, et son homologue espagnol, M. Fernando Grande Marlaska, était une occasion pour examiner ces dossiers.
Dans son allocution à cette occasion, M. Sayoud a précisé que cette rencontre constitue «une opportunité pour échanger les avis et points de vue sur les différentes menaces qui nécessitent la conjugaison des efforts».
Il a réitéré la volonté ferme et la détermination constante de l’Algérie à renforcer les liens de coopération et de partenariat avec l’Espagne, afin de répondre aux aspirations partagées des deux pays.
Pour le ministre Saïd Sayoud, la coordination efficace entre les deux parties constitue un socle solide pour relever les défis et réaliser de nouveaux progrès.
«Les nouvelles propositions de coopération représentent une opportunité précieuse pour tracer les contours d’un partenariat solide fondé sur la réciprocité et le respect mutuel», a-t-il dit, en ajoutant que cette rencontre constitue «une occasion renouvelée d’échanger les points de vue autour de menaces sérieuses qui imposent l’unification des efforts et la recherche de solutions durables», conformément aux orientations des plus hautes autorités des deux pays.
Il a également valorisé les résultats des travaux de la Commission sécuritaire mixte algéro-espagnole, tenus à Madrid le 13 octobre courant, et qui ont abouti à un accord sur «l’échange de solutions techniques relatives à la mise en place d’un système efficace de détection des documents falsifiés, développé par la police aux frontières espagnole», outre «l’échange d’expériences et d’expertises en matière de création de centres de renseignement spécialisés dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée sous toutes ses formes».
Lors de cette rencontre entre les deux ministres algérien et espagnol, il a été également convenu «d’accélérer l’examen des demandes de commission rogatoire soumises par le ministère algérien de la Justice concernant la récupération des fonds acquis illégalement».
La question de la restitution des avoirs détournés demeure en effet un axe prioritaire des autorités algériennes depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, lequel avait révélé, lors de sa dernière rencontre avec la presse nationale, que le montant des fonds récupérés atteignait récemment 30 milliards de dollars, comprenant notamment un hôtel cinq étoiles en Espagne, acquis par un homme d’affaires à l’aide de fonds détournés.
Le président Tebboune avait d’ailleurs remercié l’Espagne, qualifiée de pays ami, indiquant que d’autres pays européens ont promis leur coopération dans l’opération de restitution des fonds volés.
L’Algérie ne fait pas de la question migratoire un moyen de chantage
Dans le domaine de la lutte contre la migration clandestine, à laquelle les deux pays font face, le ministre de l’Intérieur a mis en avant les efforts déployés par l’Algérie.
Ces efforts ont permis, en 2024, d’empêcher plus de 100 000 migrants en situation irrégulière d’atteindre l’Afrique du Nord et l’Europe, et qu’en 2025, plus de 82 000 migrants ont été rapatriés vers leurs pays d’origine dans des conditions respectueuses de leur dignité et de leurs droits fondamentaux.
Il a également évoqué le démantèlement d’un grand nombre de réseaux criminels transnationaux impliqués dans le trafic de migrants, la traite des êtres humains, le commerce de stupéfiants et d’armes.
Le ministre a en outre souligné que «malgré les pressions et les menaces liées à ce phénomène, l’Algérie ne recourt en aucun cas à la question migratoire comme moyen de chantage ou de marchandage avec les pays de destination (pays européens), contrairement à certaines parties».
Pour lui, il s’agit d’une question profondément humaine, rappelant que nombreux sont ceux qui s’engagent dans cette aventure périlleuse, poussés par la précarité et les crises économiques.
Les efforts de l’Algérie s’inscrivent ainsi dans le cadre de la défense de ses intérêts nationaux, du respect de ses engagements internationaux et du partenariat avec ses alliés.
Le ministre a précisé que le phénomène de la migration irrégulière dépasse désormais les frontières et est alimenté par des réseaux criminels transnationaux actifs dans plusieurs pays de la Méditerranée, s’adonnant au trafic de migrants, à la traite des êtres humains, au trafic de drogues sous toutes ses formes ainsi qu’au blanchiment d’argent.
La coordination bilatérale avec l’Espagne demeure donc un pilier essentiel du dispositif, à travers l’échange d’informations et l’activation de mécanismes conjoints de lutte contre la criminalité organisée liée à cette problématique.
Parmi les principaux volets évoqués figure la mise en place de mécanismes d’échange de solutions techniques relatives à l’instauration d’un système performant de détection des faux documents, développé par la police des frontières espagnole, ainsi que le partage d’expériences en matière de création de centres de renseignement spécialisés dans la lutte contre la criminalité transnationale organisée sous toutes ses formes.
Les deux parties ont également convenu de la mise en œuvre d’un dispositif d’échange et de comparaison des empreintes génétiques et des données biométriques concernant les personnes suspectées d’être de nationalité algérienne et ayant perdu la vie lors de la traversée de la Méditerranée.
La réadmission des migrants clandestins relancée
Concernant l’affaire des sept mineurs algériens ayant émigré illégalement vers l’Espagne, Saïd Sayoud a assuré que les efforts se poursuivent pour le rapatriement des sept enfants actuellement présents sur le territoire espagnol.
«Nous nous sommes mis d’accord pour relancer l’accord entre les deux pays sur la mobilité et la réadmission des migrants clandestins et la poursuite des efforts pour le retour (en Algérie) des sept mineurs qui se trouvent en Espagne. Je tiens à préciser que nous avons fourni toutes les informations et les dossiers demandés par les autorités judiciaires espagnoles, et nous espérons une réponse positive à la demande de l’Algérie», a-t-il déclaré.
Son homologue espagnol, Fernando Grande-Marlaska, s’est également exprimé sur la demande algérienne de récupérer les sept mineurs, dont la traversée clandestine de la Méditerranée à bord d’un bateau volé début septembre dernier a suscité de nombreuses réactions. Il a révélé que les parents des sept mineurs ont demandé à exercer leur tutelle sur leurs enfants.
«La procédure est en cours de traitement dans notre pays et c’est la justice qui est chargée d’étudier cette affaire ainsi que tous les documents présentés par les autorités algériennes. La volonté des parents d’exercer leur tutelle sera prise en compte», a-t-il dit, affirmant au passage que l’Algérie est un partenaire clé et stratégique pour son pays, et que les défis communs auxquels sont confrontés les deux pays nécessitent une coopération, une coordination et la recherche de nouvelles approches qui les servent tous deux.
Il a salué les relations diplomatiques entre les deux pays, soulignant l’excellente qualité des relations bilatérales et l’efficacité de la coordination entre les deux secteurs.
«Cette réunion reflète la solidité des relations bilatérales entre les deux pays et l’importance de poursuivre la coordination conjointe pour faire face au phénomène de la migration irrégulière. L’Algérie et l’Espagne partagent les mêmes objectifs dans la lutte contre les réseaux criminels impliqués dans le trafic de migrants», a-t-il souligné, annonçant sur un autre registre la relance de l’accord de 2013 dans le domaine de la protection civile. Il a précisé que cet accord technique constitue une étape importante vers un partenariat plus efficace.
Par ailleurs, les deux ministres ont évoqué les questions liées à la sécurité routière. Cette dernière constitue «une priorité absolue, en raison du nombre inquiétant de victimes d’accidents de la route», a indiqué Sayoud, ajoutant que le programme lancé conjointement par les deux ministères constitue «une occasion précieuse et un espace privilégié pour partager nos expériences et méthodes d’intervention face à cette problématique en hausse constante».
A. R.