Une étude scientifique menée par deux jeunes chercheuses en agronomie à l’Université de Ghardaïa, Hasna Bellemcherrah et Fatima Zohra Boulghiti, met en lumière les caractéristiques physiques et chimiques des sols de la wilaya d’El Meniaa. Réalisé dans le cadre d’un mémoire de master, ce travail constitue une première contribution approfondie sur la fertilité des sols agricoles d’une région saharienne stratégique, encore peu explorée par la recherche.
Synthèse Akrem R.
En effet, les zones désertiques représentent l’un des environnements les plus difficiles pour les activités agricoles, en raison de leurs conditions climatiques extrêmes et des caractéristiques pauvres de leurs sols.
En général, les sols désertiques sont peu fertiles en raison d’un manque de matière organique, de nutriments essentiels et d’une faible capacité de rétention d’eau (FOA,2015 ).
De plus, ces sols présentent souvent des niveaux élevés de salinité et d’alcalinité, ce qui limite la croissance des plantes et nuit à la production agricole. Malgré ces défis, certaines initiatives récentes dans les domaines de la réhabilitation des terres et des techniques agricoles modernes (telles que l’utilisation de systèmes d’irrigation goutte-à-goutte, l’ajout d’engrais organiques et l’amélioration de la structure du sol) ont permis de transformer certaines zones désertiques en terres arables, avec des niveaux de productivité variables.
Les analyses granulométriques réalisées sur différents sites révèlent que les sols d’El Meniaa sont composés à 96-97 % de sable, avec seulement 3 à 4 % d’argile et de limon. Cette texture très sableuse facilite le drainage, mais limite la rétention d’eau et de nutriments.
Le pH oscille entre 8,28 et 8,96, traduisant un sol alcalin. Cette alcalinité, accentuée par la présence de carbonate de calcium, restreint la disponibilité en phosphore et en certains oligo-éléments essentiels (fer, zinc, manganèse), et constitue un défi majeur pour les agriculteurs locaux.
Des disparités régionales marquées
Trois zones agricoles principales ont été étudiées : El Meniaa, Hassi El Garra et Hassi El Fahel. En effet, El Meniaa et Hassi El Fahel présentent des sols faiblement salins, avec une conductivité électrique moyenne de 44,6 à 532 µS/cm, classés «non salés» selon les normes internationales.
Hassi El Garra, en revanche, affiche une salinité élevée avec des valeurs atteignant 2 249 µS/cm, et un taux de calcaire total record de 27 %, contre seulement 5 % à El Meniaa. Ces sols sont considérés comme « très calcaires », ce qui complique la culture de certaines espèces sensibles.
Le calcaire actif, fraction directement assimilable par les plantes, varie de 12 à 14 % dans l’ensemble de la région, soit des niveaux très supérieurs au seuil de 5 % fixé par l’AFES (Association française pour l’étude du sol).
Par ailleurs, l’étude met en évidence l’influence des systèmes de culture sur la fertilité. À titre d’exemple, au niveau des palmeraies, la salinité reste faible (62 à 520 µS/cm), mais le taux de calcaire actif peut atteindre13 % dans certaines exploitations (Bellemcherrah).
Quant aux céréales sous pivot, les sols de Wachfon et Ben Souisi présentent des taux de calcaire total de 25 % et 30%, contre seulement 10-12 % pour Louli et Bellemcherrah.
En outre au niveau des vergers, les parcelles d’abricotiers atteignent une salinité de 2 052 µS/cm, contre seulement 138 µS/cm dans les orangeraies Louli. Le calcaire total y varie de 13 % à 55 %, classant certains vergers dans la catégorie « très calcaires ».
Enfin au niveau des cultures maraîchères, une forte variabilité entre parcelles. Certaines restent non salines (52 µS/cm), tandis que d’autres dépassent les 2 244 µS/cm, compromettant la production d’oignons.
Origines des contraintes pédologiques
Les chercheurs expliquent que l’alcalinité et la salinité observées proviennent de plusieurs facteurs : Origine géologique riche en carbonates ; Climat aride favorisant l’évaporation et l’accumulation de sels ; Irrigation avec des eaux souterraines parfois chargées en sels dissous et usage excessif d’engrais minéraux sans pratiques de drainage adaptées.
Afin de surmonter ces contraintes, l’étude recommande : La réalisation systématique d’analyses de sol avant toute mise en culture ; l’usage d’amendements organiques (fumier, compost, biochar) pour corriger le pH et améliorer la structure.
La rotation culturale, pour préserver la fertilité et limiter l’épuisement des nutriments. L’adoption de systèmes d’irrigation performants (goutte-à-goutte, drainage maîtrisé) afin de réduire la salinisation.
La wilaya d’El Meniaa, qui couvre plus de 86 000 km², dispose d’un potentiel agricole important grâce à ses nappes phréatiques et à la diversité de ses cultures (blé, maraîchage, palmiers-dattiers, vergers). Mais la fragilité des sols impose une gestion scientifique et durable. Comme le souligne l’étude, «l’amélioration de la fertilité des sols à El Meniaa est réalisable grâce à une gestion adaptée et scientifiquement appuyée».
Les résultats obtenus constituent une base précieuse pour les agriculteurs, les investisseurs et les décideurs publics, appelés à renforcer la sécurité alimentaire nationale tout en valorisant les terres sahariennes.
A. R.
