Si l’intérêt d’avoir dans sa ville un transport écologique et disponible, le tramway d’Alger répond à ces critères, mais l’utiliser peut s’avérer être une entreprise périlleuse. Insécurité, vols, bousculades, attouchements, bagarres …. Le tramway d ‘Alger, est un véritable microsome de notre société
Par Réda Hadi
Le premier mot qui vient aux usagers est l’insécurité. Certains tronçons de l’itinéraire, sont connus pour être dangereux aux heures de pointe. De la station Bordj El Kiffane (Lycée) jusqu’à Sidi Driss, avec des wagons bondés, les vols de portables sont si fréquents, que certains conducteurs demandent aux usagers de faire attention à leurs biens
A ces moment-là, l’insécurité devient problématique. Les incidents entre bandes rivales sont fréquents, au point où «un jeune a tiré un couteau en plein tramway bondé à une heure de pointe, semant la panique et l’effroi. La rame s’est arrêtée et les gens, particulièrement les femmes, se sont vite enfuies», nous raconte une jeune fille habituée à circuler sur cette ligne, tout en précisant que «les forces de l’ordre sont intervenues très rapidement et ont pourchassé les délinquants». La présence des forces de police tout aussi rassurante qu’elle soit, n’est visible qu’aux heures creuses à l’intérieur des rames, sinon aux abords immédiats de certaines stations importantes.
Un agent de police de Bordj El Kiffane, nous a affirmé qu’il est «impossible de mobiliser au moins 3 agents dans chaque rame du tramway. Nous effectuons des rotations, particulièrement aux heures de pointe, et sur un tronçon précis, mais impossible donc de mobiliser une équipe permanente dans chaque rame», nous dit-il, tout en minimisant les faits, et d’ajouter : «Il existe bien des incidents, mais ils ne sont pas aussi fréquents que vous le dites, vous les journalistes. Les rondes que nous effectuons, dissuadent les délinquants ».
Certaines gens attendent ces «fameuses» heures de pointe, pour, habillés de kamis, choisissent les rames bondées pour se frotter aux filles et satisfaire leur libido dépravée. Ce qui ne manque pas de soulever des protestations des personnes concernées et l’intervention des usagers qui finit généralement en bagarres.
Très souvent durant la journée, il n’est pas rare de voir des jeunes essayer de vous vendre des parfums, des bavettes, et il est même arrivé que certains vous proposent des coupons de recharge téléphonique à un prix plus bas que celui de l’opérateur. Durant les fortes chaleurs, des gamins sillonnent les rames et proposent des petites bouteilles d’eau très fraiche ou alors carrément glacée.
L’exaspération des usagers est très forte, car pour peu qu’une personne bloque une porte, et la rame s’immobilise. Ce qui, par conséquent entraine un retard qui se répercute sur l’ensemble des rames et sur les nerfs des personnes qui attendent.
Le tramway d’Alger a ceci de particulier: c’est le seul au monde à vous proposer des services à l’intérieur des rames
Voir une dame âgée, vous supplier de lui acheter des papiers-mouchoirs pour lui venir en aide et lui éviter d’avoir à mendier, est fréquent. Tout comme de voir ces malades mentaux agresser des filles, et proférer des obscénités, obligeant des passagers à intervenir et les faire descendre en dépit de leur condition.
Parfois, on croise aussi des personne qui vous présentent une ordonnance, en quête des dinars pour « acheter les médicaments ».
Le plus surprenant est cet homme d’une trentaine d’années, qui, une boite d’archives à la main avec cette inscription «aidez-moi à me marier selon la souna»! Certains usagers se sont demandés si cela est dû à une profonde frustration ou alors une très forte croyance. «L’appel à Dieu et très fort dans ces cas-là!» Ironise un homme très amusé par ce qu’il voit.
Le calvaire des contrôleurs
Il faut dire aussi, que l’incivilité de beaucoup rend la tâche difficile au personnel de la Setram. Même bondé, les gens persistent à prendre la rame, prétextant vouloir arriver plus vite chez eux.
Le conducteur supplie alors les gens d’attendre la prochaine rame. Mais rien n’y fait. Dans ce cas précis, le tramway trop lourd s’enfonce trop bas par rapport au quai et ne peut s’ébranler.
Les contrôleurs sont la catégorie du personnel de la Setram qui sont le plus aux prises avec la clientèle. Zinou, un contrôleur explique: «Beaucoup de gens sont imprégnés de l’esprit du «Beylik», et sont persuadés de la gratuité du transport. L‘attitude de certains passagers est arrogante et même menaçante. Il arrive même que l’on se mette à plusieurs pour faire descendre un usager récalcitrant» et de poursuivre: «Nous ne faisons que notre travail, mais les gens sont souvent arrogants et nous regardent de haut parcce que nous leur demandons les tickets. C’est un travail très stressant et j’ai des collègues, qui ont même fait un Burn Out».
R. H.