Dans le cadre d’une stratégie à l’export, il est primordial à la fois d’ajuster et d’adapter la conception de ses produits aux marchés étrangers. De nombreuses entreprises agroalimentaires pensent et agissent dans un contexte d’économie de marché. Elles ont effectivement intégré l’idée que l’offre est supérieure à la demande et qu’elles ne pourront subsister qu’à la condition que leur produit puisse mieux satisfaire les besoins de ses utilisateurs. Or, dans de nombreux pays d’Europe on pense et réfléchi en termes d’économie d’environnement.
Par M’hamed MERDJI (*)
et Djamel GUEMACHE (**)
Ce nouveau paradigme est bien entendu le fruit du rapport de la commission mondiale sur l’environnement et le développement créée en 1983 par l’ONU et présidée par Brundtland qui a initié l’idée que le développement doit «répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs». Ce développement durable est alors censé concilier les trois dimensions suivantes des sociétés humaines: économique, social et écologique.
Cette vision de l’avenir a changé la représentation et la relation des consommateurs avec le concept d’emballage. L’acte d’achat va alors au-delà du pouvoir d’achat et des ressources disponibles et devient un acte politique. L’entreprise se voit contrainte d’adhérer au concept de développement durable et prend pleinement conscience de sa responsabilité sociale et sociétale si elle peut assurer sa pérennité.
Les discours mis en avant autour du changement climatique renforcent l’idée de réduire impérativement les émissions de gaz à effet de serre et incitent les industriels à penser pratiques durables.
Le secteur agroalimentaire en Europe, conscient qu’il est fortement contributeur à l’émissions de gaz à effet de serre du fait de l’utilisation excessive du plastique ou du polystyrène (matériaux reconnus comme polluants et difficilement biodégradables) a pris le taureau par les cornes et s’est lancé dans la quête d’emballages écologiques qui peuvent soit:
-s’inscrire dans la durée du fait de la possibilité de les réutiliser systématiquement;
-être qualifiés de biodégradables afin d’être recyclés;
-recyclables afin de réduire le volume de déchets produits.
Cette quête d’emballages écologiques est à la fois le fruit d’une législation européenne de plus en plus draconienne et d’une pression accrue des consommateurs comme le révèle une étude de Pro Carton qui montre que 68% des Européens reconnaissent que les enjeux écologiques ont un impact sur leurs comportements d’achat et que pour 74% d’entre eux la publicité et l’information énoncés sur le caractère polluant des emballages plastiques ont eu effectivement une influence sur leurs habitudes d’achat.
Le concept des 3R était déjà apparu dans les années 70 et préconisait de rechercher impérativement des solutions pour réduire, réutiliser et recycler à tout prix les déchets, y compris les emballages bien entendu.
La grande distribution a vite compris les avantages de:
-supprimer à la fois distribution de sacs plastique qui représentent des coûts considérables sur le long terme et gagner en capital image
-proposer des emballages réutilisables;
-mettre à disposition des produits en vrac et libre-service (produits secs par exemple);
-mettre à disposition des containers ou points de collecte afin récupérer pour le recyclage certains produits et emballages.
Attention, cette volonté de réduire, réutiliser ou recycler l’emballage ne doit pas nous faire perdre de vue qu’il fait partie d’une chaîne logistique globale qui implique à l’origine: protéger le produit contre les agressions de toutes natures, éviter le gaspillage, regrouper, stocker, transporter, distribuer, servir, ranger, informer, communiquer, être utile avant pendant et même après usage (ex : la bouteille d’eau minérale que l’on remplit d’eau du robinet). Comme le montre le schéma ci-après :
Nul ne peut ignorer aujourd’hui la législation en matière de sécurité alimentaire sous peine de sanctions lourdes. A ce titre l’autorité européenne de sécurité des aliments a montré du doigt les risques associés à la pollution des microplastiques et le parlement européen n’est pas en reste car dès 2021 il a interdit tout simplement l’utilisation de plastiques à usage unique dans tous ses pays membres.
On peut ajouter également le Royaume Uni, le Canada, l’Australie, Taïwan et bien d’autres pays encore qui interdisent également ces plastiques à usage unique.
Beaucoup d’entreprises ont compris ce changement d’attitude chez le consommateur et l’avantage concurrentiel qu’ils pourraient en retirer grâce à un positionnement «durable». C’est le cas par exemple de Coca Cola qui a substitué un carton recyclable au film plastique traditionnel utilisé pour regrouper 6 canettes de Coca ; il en est de même pour les pâtes Barilla.
Evian souhaite pousser l’expérience plus loin en testant un distributeur d’eau minérale en «vrac» ; le consommateur étant supposé apporter son propre contenant.
Le revers de la médaille pour le vrac étant, bien entendu, le problème de l’expression de l’identité et du positionnement de la marque, sachant que ces 2 éléments sont incontournables en matière de communication traditionnelle et imposent de nouvelles réflexions notamment au niveau des conditions d’hygiène à mettre en place, la protection de certains aliments contre les UV ou l’humidité par exemple.
Le schéma ci-après, élaboré par REQUENA en 1998, rappelle de manière synthétique les fonctions associées à l’emballage :
L’emballage éco-responsable constitue en soi un argument de communication puisqu’il induit d’emblée l’idée qu’il a été conçu précisément pour minimiser son impact environnemental en mettant en avant le fait qu’il est biodégradable, compostable ou recyclable. A cela s’ajoute du fait de la réduction de répétitivité de sérieuses économies réalisées étant donné la réduction des quantités globales produites et des coûts de production évidemment associés.
L’intrusion de l’écoemballage dans le monde de l’agroalimentaire notamment a obligé de nombreuses entreprises à se tourner vers des organismes agréés comme Adelphe, CITEO ou Léko.
Toute démarche à l’export vers l’Europe suppose aujourd’hui de maîtriser le principe dit de « responsabilité élargie du producteur ». Il est conseillé de se référer aux prérogatives dictées pour la filière déchets d’emballages ménagers définie les articles L.541-10-1, R.543-53 à R.543-6 et R.543-42 à R.543-52 du code de l’environnement afin d’éviter toute surprise de dernier moment.
Un logo Eco-emballage est disponible et figure sur près de 95 % des emballages en France. Ce logo atteste que le producteur a payé sa contribution à une entreprise privée à but non lucratif en charge du recyclage des emballages.
Logo POINT VERT pour le recyclage des emballages ménagers
Logo RESY pour le recyclage du carton
Logo TRIMAN pour les consignes à respecter par l’utilisateur
Pour conclure, l’écoemballage devient donc un enjeu majeur pour les entreprises agroalimentaires en quête de marchés en Europe. Une enquête menée OpinionWays et Alkemics intitulée « les Français et la réduction des emballages» ne peut laisser indifférent car elle montre que 85% des consommateurs européens souhaitent acheter des produits qui utilisent le moins possible d’emballages et qu’un tiers d’entre eux ont même arrêter d’acheter des produits d’une certaine marque faute d’émission de packagings non durables.
(*) Docteur en sciences de gestion, Professeur de marketing à Montpellier Business School et expert à l’international.
(**) Docteur en management Ecrivain-chercheur.
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