Agriculture, artisanat et écotourisme : Quelle économie pour les communes de montagne ?

Agriculture, artisanat et écotourisme : Quelle économie pour les communes de montagne ?

Dans le cadre des efforts de l’État tendus vers le développement des infrastructures et équipements publics et, également, dans la logique des soutiens publics apportés à l’investissement productif, les zones et communes de montagne attendent leur part de développement. Ce n’est que justice pour ces espaces qui ont abrité la révolution armée contre l’occupation coloniale et qui apportent à l’ensemble du pays leur part de diversité et d’humanité. Sans doute que le concept de patrimoine, matériel et immatériel, ne rend pas, à lui seul, toute l’ampleur de ces dimensions et de cette profondeur socio-historique.

Par Amar Naït Messaoud

Lieu d’habitat, de dur labeur et d’enracinement humain, la montagne constitue une partie intégrante de l’espace national, à côté de la steppe, des ergs, regs et oasis de notre grand Sahara, ainsi que de la zone côtière.

Elle enrichit toute cette palette d’espaces, de sa culture, de son histoire et de son savoir-faire. Les images que montrent la télévision sur la beauté et la féérie des paysages de la montagne- allant de monts de Daïa jusqu’à la Medjerda, en passant par l’Ouarsenis, le Dahra, le Titteri, le Djurdjura, les Bibans, les Babors-, contrastent parfois de manière franche avec la souffrance des habitants des bourgades reculées où, par exemple, les élèves ont été, pendant certains hivers rigoureux, mis en congé forcé pendant plusieurs jours à la tombée de la neige qui a obstrué les routes.

En vérité, vu le retard pris dans la prise en charge dans le développement effectif des zones de montagne, les problèmes que vivent ces régions sont loin de se limiter à une saison quelconque.

Les feux de forêts concernent en premier lieux ces régions, avec leur lot de dégâts, allant du patrimoine oléicole jusqu’à, parfois, des pertes humaines.

Le phénomène d’érosion, lui également, charrie ses conséquences désastreuses en matière de glissements de terrain et de transport de matériaux solides les plus fertiles par le travail d’érosion sur des terrains qui ont perdu leur couverture végétale en hiver.

D’où, la régression, voire la perte de la perte de la fertilité des sols et des menaces réelles sur les infrastructures et équipements (routes, chemins de fer, pistes rurales, immeubles, maisons de campagne, écoles,…).

LE TOURISME DE MONTAGNE SE FAIT ATTENDRE

De même, les potentialités touristiques des zones de montagne sont mal exploitées ou sous-exploitées, se limitant aux flux anarchiques de visiteurs sur les parcs de Chréa et Tikjda à la vue du moindre flocon de neige.

L’hygiène et la salubrité publiques sur ces lieux sont les vertus les moins partagées. Sur un grand nombre de zones d’expansion et sites touristiques (ZEST), identifiées sur le terrain et ayant même bénéficié d’études par le ministère de tutelle sur les régions de montagne, très peu ont vu le jour. Les autres se sont confrontées à la grande problématique du foncier.

La génération des jeune des années 70’ du siècle dernier se souviennent encore des processions de touristes étrangers qui se rendaient de manière naturelle dans les grottes, les gouffres, les pics, les sources, les vertes vallées et les forêts de nos montagne. On était encore loin de la notion de zone touristique qui s’imposera dans la littérature administrative algérienne à partir des années 1990.

La décennie noire ayant cassé tous les ressorts de la société et de l’économie algérienne, le secteur du tourisme, dans son ensemble, entra en hibernation.

Avec les programmes de développement rural initiés au début des années 2000, un espoir de jonction des actions était né, particulièrement dans le contexte de ce qui fut appelé « thèmes fédérateurs ».

Certains de ces thèmes, autour desquels gravitaient des actions de développement rural, étaient centrés sur la réhabilitation des anciens villages ou habitations et la promotion du patrimoine matériel et immatériel tendant, avec l’intégration et la promotion des produits du terroir, à créer des activités et des emplois censés contribuer à la stabilisation des populations de l’arrière-pays montagneux et des régions rurales des plaines et de la steppe.

C’était là également un moyen idéal de booster l’attractivité touristiques des zones rurales, et plus singulièrement des espaces montagneux.

Néanmoins, cette vision novatrice, initiée par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, et par laquelle il a crée des connexions avec un grand nombre d’autres départements ministériels, avait la vie brève. L’intersectorialité n’avait pas joué à fond.

En outre, les projets de développement rural ont subi un coup de frein à la fin de l’année 2014, année d’inscription des derniers projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI).

UN ESPACE SPÉCIFIQUE QUI REQUIERT UN TRAITEMENT ADAPTÉ

L’on sait que, en raison de l’ensemble des critères qui fondent le classement des zones de montagne (relief accidenté, altitude, sévérité des conditions climatiques, difficultés de construction, rareté du foncier et indivision de la propriété, érosion des sols, glissements de terrain, surcoût pour la réalisation des infrastructures et équipements publics,…), le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT), intègre dans son corpus les zones de montagne comme étant des espaces spécifiques dont le diagnostic, le traitement et le développement sont censés relever désormais d’une politique adaptée, claire et judicieuse, ciblant aussi bien le développement économique et social des ménages ruraux qui y résident, que la réhabilitation de ces zones en tant que territoires spécifiques, réserves de la diversité biologique et sources d’attractivité pour la récréation et l’écotourisme.

Pour se faire une idée de l’importance des zones de montagne dans notre pays, il y a lieu de rappeler certaines données géographiques et humaines propres à ces espaces spécifiques.

La montagne représente un espace complexe d’administration territoriale, d’investissement économique et de gestion des ressources. Sur l’ensemble du territoire algérien, la montagne représente 3,66% de superficie, soit 8 millions d’hectares.

Cependant, par rapport aux zones les plus habitées du pays, à savoir la bande allant de la côte aux portes des Hauts Plateaux, le système montagneux représente 60% du territoire.

Il est habité par environ 10 millions de personnes, ce qui représente presque le quart de la population totale du pays. Il est établi que les montagnes du Maghreb en général, et principalement la chaîne de l’Atlas tellien, abrite une population très dense.

Sur le Djurdjura, les Bibans, les Babors et l’Ouarsenis, la densité démographique dépasse parfois 500 habitants au kilomètre carré, voire 1000, dans certains endroits. Dans les wilayas de Jijel, Bejaïa, Skikda et Tizi Ouzou, la zone de montagne occupe plus 60 % de la superficie globale.

On sait que certaines parties spécifiques à l’intérieur de ces zones de montagne ont été classées comme réserves de la biodiversité et érigées en parcs nationaux (parcs nationaux du Djurdjura, Belezma, Chréa, Theniet El Had,…).

POUR UN DÉVELOPPEMENT ÉCOLOGIQUEMENT DURABLE

Le dossier des zones de montagne a donné lieu à des études réalisées par le Centre national des études en économie appliquée (Ceneap). Commencées en 2009, ces études ont fait l’objet de réception trois ans plus tard.

C’est l’ancien ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement qui a commandé ces études qui visent l’identification et la classification des zones de montagne selon les termes de la loi n°04-03 du 23 juin 2004 relative à la « protection des zones de montagne dans le cadre du développement durable » et le décret exécutif n° 05-469 du 10 décembre 2005 fixant les études et les consultations préalables ainsi que les procédures y afférentes.

En raison de pratiques anarchiques et peu réfléchies en matière de gestion de ces espaces spécifiques, d’exode forcé dû au chômage et à l’insécurité au cours des années 90’, les zones de montagne n’avaient pas bénéficié de plans appropriés et adaptés en matière de gestion du territoire, du cadre de vie, de création de richesses et de valorisation de tous ses produits et sous-produits.

La vision du gouvernement qui s’ouvre sur une nouvelle division administrative du pays et sur l’octroi de nouvelles prérogatives aux élus locaux dans le cadre des codes de la commune et de la wilaya révisés et rénovés, peut constituer une opportunité pour mieux cerner sur tous les angles, l’espace géographique qu’est la montagne.

À cet effet, une politique de concertation et d’échanges devrait être initiée par l’administration et les instances élues en direction des populations, à travers les associations, les comités de village et les organisations professionnelles des métiers ruraux (agriculture de montagne, artisanat, produits du terroir,…), et ce, afin d’asseoir une véritable gestion participative de ces zones sensibles, dans un cadre économiquement et socialement viable et écologiquement durable.

A. N. M.

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