Les nouvelles orientations socioéconomiques du pays et les choix arrêtés pour la gestion administrative et territoriale au cours des quatre dernières années, ont réclamé des adaptations législatives et des mises à jour juridiques et réglementaires de façon à les mettre en conformité avec la Constitution de 2020, mais également avec les progrès techniques ou managériaux introduits dans les différents secteurs d’activité.
Par Amar Naït Messaoud
Les activités qui ont exigé des adaptations rapides et prioritaires sont les nouvelles réalités économiques- aussi bien en investissements et production, qu’en termes de procédures contractuelles et comptables. Elles ont requis beaucoup d’efforts sur le plan de leur formalisation juridique, principe et étape sans lesquels leur ancrage dans la société (socialisation) ne peut pas se réaliser d’une façon harmonieuse et adaptée.
Depuis que l’Algérie s’est lancée dans les chantiers de la diversification économique- agriculture, agroalimentaire, technologies numériques, mines.-, ainsi que le monde de la communication (multimédias, internet), des »blancs » ont été constatés sur le plan de la législation. Les textes du code pénal, du code civil et des autres sources du droit, ont montré leur insuffisances et leurs limites lorsqu’il s’agit de prendre en charge la cybercriminalité, la bioéthique, certaines erreurs médicales,…etc.
C’est que l’ « arsenal » juridique et l’encadrement judiciaire exigés par les changements et les évolutions socioéconomiques peinaient à suivre de façon instantanée et rationnelle la dynamique ainsi mise en branle. Il est établi que les faits et la production de biens précèdent toujours leur formalisation juridique.
Ce qui fait partie de la nature et de la logique des choses. Néanmoins, plus rapidement est conçu l’ancrage juridique pour les nouvelles réalités sociale, mieux sont rentabilisées leurs valeurs et leurs usages. Le temps mis pour autoriser, par exemple, les appareils GPS pour les administrations publiques et les bureaux d’études (cadastre, travaux publics, agriculture,…) a été trop long, et les procédures d’acquisitions sont lourdes. L’on n’est pas fondé à contester que cet appareillage précieux- servant au calcul de coordonnées, de surfaces, d’altitudes, etc.- soit acquis et utilisé en premier lieu par les services de l’armée.
Mais, aujourd’hui, l’usage de certaines catégories de cet appareil s’est »démocratisé » au point d’en faire des «gadgets» joints au tableau de bord des voitures. Indubitablement, plus le temps mis pour conférer un accompagnent juridique aux nouveaux produits en circulation est long, plus aléatoires et incertains seront l’impact et le suivi des évolutions qu’est appelée à vivre l’économie nationale et la société en général.
Il s’agit, en fait, d’assurer le plus diligemment possible ce que, en termes de droit, est appelé formalisation des pratiques juridiques et administratives et du lien social. Les outils et les instruments juridiques et judiciaires sont en évolution permanente à travers le monde, suivant en cela l’évolution des réalités sociales et économiques permises par les nouvelles technologies, les nouveaux procédés et les méthodologies innovantes.
C’est pour répondre aux besoins charriés par les changements induits régulièrement dans la société algérienne par l’évolution économique et sociale, qu’un Centre de recherche juridique et judiciaire a été créé en 2006 (décret 06-60 du 27 septembre 2006). Ce centre a pour mission d’élaborer des études juridiques en relation avec l’évolution socioéconomique du pays.
Son statut fait de lui un établissement public administratif (EPA), doté de l’autonomie financière. Il se donne pour mission prioritaire d’examiner les textes législatifs actuellement en vigueur et de proposer au gouvernement des amendements ou carrément de nouvelles moutures de textes.
Un processus continu de mise en conformité
Telles que ses premières missions ont été appréhendées, singulièrement dans le domaine économique, le Centre de recherche juridique et judiciaire sera particulièrement sollicité dans le domaine des consultations pour l’établissement des contrats ou des accords de coopération. Les échanges économiques avec les autres pays du monde (marchandises, travaux, prestations, études,…) induisent nécessairement des besoins d’élaboration de texte juridiques (conventions, accords, contrats, protocoles,…) qui incluent des procédures d’arbitrage parfois complexes, destinées à connaître des situations de conflit, à désigner et prévoir les instances chargées de l’arbitrage et à concevoir les clefs de dénouements. Transferts de fonds par Internet et cybercriminalité ont été, par exemple, les premiers thèmes d’études soumis aux magistrats-chercheurs de cet établissement.
Dans la gestion d’une économie en pleine évolution, et au cours de l’examen de certaines situation inédites que notre société ne cesse de vivre continuellement, il arrive souvent qu’un manque d’harmonie entache et obère les textes réglementaires du fait qu’ils ont été conçus et élaborés pour des cas passés, voire dépassés. La législation est toujours à la recherche d’une mise à jour que dictent les nouvelles nécessités socioéconomiques du pays.
Les exemples ne manquent pas ; et le foncier en a fourni, au début des années 2000, des plus éloquents. Sur le foncier industriel, le foncier touristique et le foncier agricole, les administrations et les experts fonciers ont buté plusieurs fois, relevant des confusions réglementaires ou des vides juridiques.
La situation s’améliore progressivement avec les opérations cadastrales qui sont menées à travers toutes les communes du pays, mais qui ne sont pas encore clôturées.
Le processus de changement et d’adaptation requiert imparablement des réformes dans l’administration et dans certains textes juridiques. Ces « mises à jour » concernent aussi bien le niveau institutionnel, représentant la superstructure de l’organisation du pays que le niveau des structures techniques chargées de rendre la justice (cours, tribunaux et auxiliaires de justice).
Nouveaux besoins en formation/spécialisation
La nouvelle configuration de l’appareil économique national, qui commençait à se dessiner depuis le milieu des années 1990, avait sollicité la réforme impérative des lois et des modes de gestion. Les lois sur l’autonomie des entreprises publiques (1988), la loi sur la Monnaie et le Crédit (1991), et tout l’arsenal législatif qui suivra avec la libéralisation des métiers des auxiliaires de justices (notaires, huissiers, commissaires aux comptes, commissaires priseurs)- constituent un début des réformes de la justice.
Les nouvelles réalités économiques et sociales ont immanquablement ouvert un grand chantier législatif relatif au commerce, aux transactions foncières, au monde associatif, aux collectivités locales (codes de la commune et de la wilaya).
Avec la libéralisation l’économie nationale et son ouverture sur le monde, dans la logique d’un partenariat de plus en plus dense et diversifié, de nouveaux besoins, inconnus il y a quelques années, s’expriment sur le plan de la réglementation et de la légalité. Le contrôle de la qualité des marchandises à l’importation (principalement les médicaments, les produits alimentaires, la pièce de rechange,…) pour faire face aux risques sanitaires et à la contrefaçon constitue, à n’en pas douter, un chapitre important de nouvelles règles législatives que l’Algérie a été amenée à adopter. Il en est de même des nouvelles formes de délit (cybercriminalité), de crimes organisés, de trafic de drogue et d’immigration clandestine.
D’autres dossiers ou secteurs d’activité ont aussi imposé ou imposeront bientôt des changements de lois qui sont autant de réformes progressives mais irréversibles dans le secteur de la justice.
L’informatisation/numérisation des services, la téléphonie mobile, les réseaux sociaux, la protection du consommateur, la défense de l’environnement et du patrimoine culturel, la défense des règles de l’urbanisme, la bioéthique et la déontologie médicale, la lutte contre le commerce et la consommation de la drogue, la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, la modernisation de la fiscalité, l’investissement étranger, l’institution du droit des affaires, les relations et la coopération avec les groupements régionaux, à l’image de l’UE, sont, entre autres, les grands axes à l’origine des adaptations du droit et de la législation.
Ce sont là des activités et des domaines qui exigent de nouvelles compétences, mais également de nouvelles spécialisations dans l’administration, dans les instances judiciaires et même dans certains organes élus ou consultatifs (IGF, Cour des comptes, organisations professionnelles, chambres de commerce et d’agriculture, CNESE,.).
De même, un nouveau besoin n’a pas tardé à s’exprimer, c’est celui de la formation universitaire, laquelle est appelée à prendre en charge les nouveaux thèmes imposés par les nouvelles réalités socioéconomiques du pays.
A. N. M.