Remédier à la situation de sous-développement des régions de l’Algérie profonde est sans doute, l’une des promesses les plus audacieuses sur laquelle se sont engagées les autorités politiques, à l’instigation de la présidence de la République. A tel point que pour nombre d’observateurs elle tiendrait d’une véritable gageure.
Par Hakim Outoudert
De quoi s’agit-il ? Rien moins, en fait, que de réussir là où les précédents exécutifs avaient failli, à savoir, réhabiliter en les modernisant, quelque 15 000 régions du pays, dites «zones d’ombre» et qu’habitent quelque 8,5 millions d’âmes, soit… plus de 20% de la population algérienne !
Des populations subissant, depuis des décennies, un dénuement aussi insupportable que le manque d’eau courante, de gaz, des services essentiels et élémentaires.
C’est là l’essentiel des objectifs des autorités, pourvoir ces populations des moyens vitaux élémentaires qui leur font défaut, en termes d’infrastructures et de services. Le pari, pour peu qu’il y ait suivi, peut être remporté, surtout qu’en matière de ressources financières, l’Etat est prêt à mettre le paquet et à d’ailleurs commencé à le faire. Cependant, là où il ya matière à appréhender des limites au projet, c’est du fait qu’il ne comporte pas, ou si peu concrètement, de solutions aux questions fondamentales touchant au développement local en général: celles de la bonne gouvernance, du management et de la lutte contre la bureaucratie.
La question se pose, donc, légitimement, de savoir, de quelles garanties peuvent se prévaloir les autorités actuelles, et qui seraient à même de conférer de la crédibilité à un tel engagement ? Qui plus est, un engagement à faire sortir de l’ombre des milliers de régions avant la fin de l’année en cours, tel que promis et instruit par le chef de l’Etat.
Concrètement, l’exécutif assure, d’abord, qu’il possède les moyens financiers de sa politique, ce qui, convenons-en, est un gage des plus rassurants et, surtout, des plus crédibilisants. Une assurance réitérée, d’ailleurs, samedi dernier, par le chargé de mission de suivi des zones d’ombre, auprès de la présidence de la République, Mourad Ibrahim, qui a réaffirmé que «l’Etat a les ressources financières nécessaires pour la prise en charge des préoccupations des habitants des régions d’ombre». Et ce, «en dépit de la situation économique difficile que vit actuellement le pays», a-t-il tenu à faire remarquer.
Par ailleurs, il est à noter le ton singulièrement ferme et déterminé du chef de l’Etat quant à prendre à bras le corps ce lourd chantier. Une détermination affichée, dont on retiendra qu’elle est née d’un «coup de gueule», présidentiel. Abdelmadjid Tebboune, on s’en souvient, lors de sa dernière conférence de presse, avait fustigé «les responsables négligents et les saboteurs», freinant le développement, relayé par son Premier ministre, M. Djerad, qui a averti que «quiconque faisant obstacle au développement au niveau local fera l’objet d’enquêtes».
Mais est-ce des signes suffisants permettant d’espérer que l’action gouvernementale en faveur des zones d’ombre aboutira, et sortirait, enfin, l’Algérie profonde de ses abysses? C’est que, «distribuer» de l’argent aux collectivités locales et en suivre la destination, en vue de les pourvoir des commodités essentielles et élémentaires, est des plus louables, mais encore faudra-t-il qu’elles se dotent de la gouvernance et du sens du management idoines pour leur émancipation et leur «auto-développement». Chose bien moins aisée celle-là ! Comment, justement, parvenir, autrement que par la solution coercitive, à bannir le sabotage, la bureaucratie, le népotisme, l’incurie, entre autres, qui prévalent au sein de nos administrations locales ? Comment y faire émerger une véritable gestion moderne ? Sur ces questions, le discours officiel demeure pratiquement muet, hélas !
A remarquer que le minimum serait de rendre opérationnelle cette fameuse réforme de la fiscalité locale, qui permettrait aux gestionnaires et élus locaux d’être responsabilisés, en prenant leurs initiatives de façon autonome en faveur du développement de leurs régions. Une réforme, qui demeure à l’état de projet depuis des lustres. Ceci, même s’il faut se féliciter de la déclaration récente du ministre de l’Intérieur, ayant assuré que le projet de loi fiscale «est actuellement en phase d’enrichissement en coordination avec le ministère des Finances».
H. O.