Alors que sous d’autres cieux, on peut créer une société -donc investir- en quelques « clics » via le Net, en Algérie, c’est un véritable parcours du combattant qui attend toute personne qui envisagerait de créer son entreprise. L’investissement a du mal à décoller dans un pays grand comme cinq fois la France, et dont les opportunités sont réelles pour peu que l’on se donne la peine de les exploiter. L’entrepreneur en Algérie est souvent débouté dans sa démarche par des tracasseries administratives, et beaucoup de projets sont abandonnés avec tous les emplois qu’ils auraient pu offrir. Les nationaux ne sont pas les seuls à souffrir de cette situation, car même des étrangers se plaignent souvent d’une législation trop contraignante, particulièrement, la fameuse règle des 49/51. Beaucoup de partenariats ont ainsi avortés en raison de ces entraves.
Par Réda Hadi
Doing business, classe l’Algérie dans le domaine de la création des entreprises, au 156ème rang. Les promoteurs qui en ont vécu l’expérience, ont constaté que les lois perdent de leur efficacité face à une bureaucratie et à l’inefficacité de l’administration (lenteurs, insuffisance de formation, comportements hérités de l’ère de monopole économique de l’Etat…).
Pour les IDE, (investissements directs étrangers), l’Algérie n’a pas trop à se plaindre en comparaison avec ses deux voisins immédiats (Maroc et Tunisie). Les IDE sont en hausse relative, mais selon des économistes, ces chiffres sont biaisés du fait que seul un secteur est principalement concerné (l’automobile). En 2018, le flux d’investissements directs étrangers (IDE) au Maroc s’est inscrit en hausse, atteignant son plus haut niveau les dix dernières années. Ces IDE concernent plusieurs secteurs, tels que l’Agriculture, l’automobile, le Tourisme. En Tunisie, les IDE à cause de la situation économique de ce pays, basée essentiellement sur le tourisme, sont en légère baisse mais représentent toute de même 2479 milliards de Da tunisiens.
Comment expliquer un tel décalage?
Pour beaucoup, si l’investissement en Algérie, ne réponds pas aux attentes, cela est principalement dû à la faiblesse de sociétés créées. Car, malgré ses importants atouts économiques, l’Algérie n’attire pas autant d’investisseurs, (tant nationaux qu’étrangers), qu’elle le devrait. En théorie, notre pays reste très attractif puisqu’il présente d’innombrables atouts : une position géographique et une situation sécuritaire avantageuses, des coûts du travail et d’énergie très réduits, des richesses naturelles, des infrastructures.
Pour les investisseurs étrangers, la règle des 51/49 % est un obstacle. Pour les nationaux, outre cet obstacle pour nouer des partenariats, l’instabilité du cadre juridique et les délais interminables pour l’obtention d’un permis de construire, d’un agrément ou d’un crédit bancaire, ont de quoi décourager toute velléité d’entreprendre, donc de créer des sociétés.
Système généreux, mais blocage administratif
Pourtant, certains observateurs affirment que l’économie algérienne est très généreuse en matière de facilitations et avantages accordés à l’entreprenariat, mais les blocages bureaucratiques, notamment au niveau du financement des projets, constituent le principal obstacle face au développement de cette activité.
Le système économique algérien est l’un «les plus généreux au monde», lorsqu’il s’agit d’attribution de facilitations et avantages pour l’encouragement et l’accompagnement de l’acte d’entreprendre.
Toutefois, les blocages administratifs liés, essentiellement, à l’accès au financement pour le développement et l’extension les entreprises naissantes, ont eu un impact négatif sur l’évolution de ces entreprises
Il faut souligner aussi, que les banques sont extrêmement strictes dans l’application les règles prudentielles. De ce fait, elles ne prennent pas de risques pour le financement des entreprises naissantes (moins de 42 mois), préférant ainsi opérer avec les entités plus matures et plus connues.
Le parcours du combattant
La galère de l’entrepreneur commence dès la première étape : le statut et la dénomination. En effet, il faut se rendre chez le notaire pour établir le statut de l’entreprise que l’on veut créer : une Sarl, une Eurl, etc. Ensuite, il faut solliciter le Centre de Registre de Commerce (CNRC) pour déterminer la dénomination de votre entreprise. Rien qu’à cette première étape, on va vous demander de revenir trois à quatre jours plus tard. Et pourtant, une simple recherche dans un fichier centralisé, suffit pour vous informer si la dénomination que vous avez choisie est libre de droits ou non.
Mais, le plus dur reste à venir car il faut reprendre le chemin du CNRC pour obtenir son registre de commerce. Et à ce propos, il faut patienter une semaine entière au moins.
Ensuite, et la « torture » commence à ce stade, il faut se rendre à l’Inspection des impôts de votre circonscription administrative pour demander votre carte fiscale. Une pièce maîtresse dans votre dossier de création d’entreprise. Et, en Algérie, de nombreux entrepreneurs subissent des délais d’attente de… trois mois pour se voir délivrer, enfin, cette précieuse carte !
Après cette terrible épreuve, il faut surmonter l’obstacle de l’immatriculation NIF, à savoir, la carte d’identité fiscale ou le numéro d’identification fiscale qu’il faut obtenir auprès de l’Office National des Statistiques (ONS) à Alger-Centre. Impossible de se la faire attribuer dans un délai inférieur à 15 jours
Enfin, pour chaque étape, il faut une tonne de documents administratifs légalisés, photocopiés, de l’acte de naissance jusqu’aux agréments, exigés par nos autorités pour exercer dans divers secteurs.
Et c’est à la fin de tout ce parcours fastidieux que l’on peut voir le bout du tunnel. Il ne reste dès lors que l’ouverture d’un compte bancaire pour que l’entreprise soit prête à démarrer. Au cours de ce chemin, plusieurs entrepreneurs algériens jettent l’éponge, à cours de patience. A qui la faute ? A une administration sclérosée et en décalage avec les besoins économiques de notre pays, disent les porteurs de projets.
L’Algérie est classée par la Banque mondiale, parmi les pays où on perd le plus de temps pour créer une simple entreprise. En Allemagne, le temps nécessaire pour en créer une est d’à peine 15 jours. En Belgique, 4 jours, au Canada, 5 jours, en Corée du Sud, 4 jours, aux Etats-Unis, 6 jours, en France, 5 jours. Chez notre voisin, le Maroc, les entrepreneurs créent et commencent à exploiter leurs entreprises en 11 jours…
Le, Coronavirus, un autre facteur de blocage
La pandémie du coronavirus a tétanisé l’activité économique. Ce qui a induit, outre les problèmes cités plus haut, une perte de confiance et davantage de blocages, en ce domaine. Les entreprises du secteur privé réalisent plus de 80% de la richesse nationale hors hydrocarbures et offrent plus de six millions d’emplois.
Face à ce fléau mondial, l’investissement est rare et la création d’entreprises est freinée brutalement. Peu d’investisseurs se pressent au portillon, tant les déclarations des organisations patronales sont éloquentes à ce propos, qui entre autres affirment que les aides de l’Etat ne sont même pas suffisantes pour payer les loyers !
R. H.