En ces temps de crise économique, sociale et sanitaire qui bouleversent tous nos repères et pèsent sur notre moral, tout haut fonctionnaire de l’Etat, surtout s’il est en charge de responsabilités éminentes, a l’obligation de tout révéler au Président de la République qui est la clé de voûte de nos institutions.
Point de vue de Ali Mebroukine, Professeur d’université
Aucun responsable n’est redevable à la population algérienne d’une obligation de résultat. L’héritage que les dirigeants actuels ont reçu en dépôt fin 2019-début 2020, la complexité des problèmes, l’érosion graduelle de la seule ressource qui garantit le pouvoir d’achat international du pays, l’immensité du territoire, le retard économique considérable accusé par quelque 800 communes, tous ces facteurs doivent nous conduire à formuler un jugement équilibré et serein à l’égard de celles et ceux censés mettre en œuvre, dès cette année 2021, des réformes de structure destinées à transformer l’Algérie.
Ceci dit, le président de la République, ancien élève de l’ENA (Section Administration et Finances), diplômé de l’année 1969 d’une institution qui brillait alors de tout son éclat en Algérie et en Afrique, ancien Wali, ancien ministre et ancien Premier ministre, connait et maîtrise l’ensemble des dossiers. De plus, il est perçu par une majorité d’Algériens comme un homme sincère, désireux de faire décoller l’Algérie et déterminé à ne pas perdre une seconde dans le combat qu’il a engagé contre la régression qui frappe certains secteurs, le découragement et la démobilisation d’une partie de nos concitoyens et surtout la désespérance qui s’est emparée de notre jeunesse obsédée par l’exil. À l’impossible, nul n’est tenu. L’essentiel est que le pays soit en état de marche et que les rapports Gouvernants/gouvernés soient marqués du sceau de la confiance réciproque, tant il est vrai que seules une population et une administration mobilisées et motivées peuvent adhérer au projet de société conçu par le Président de la République.
Si le président de la République doit éviter, autant que faire se peut, de fixer aux ministres, walis, Présidents d’APC, dirigeants d’institutions publiques des objectifs hors d’atteinte sur une courte période, les uns et les autres doivent se garder des effets d’annonce, des discours lénifiants et des vaticinations sur un prétendu miracle algérien qui se réaliserait à brève échéance. Le président de la République n’a pas besoin de courtisans ; il a besoin de collaboratrices et de collaborateurs compétents, loyaux et efficaces. Il doit pouvoir s’adosser à la bonne foi de celles et de ceux qui élaborent des politiques publiques dont les objectifs doivent être réalistes au regard de la contrainte budgétaire qui sera de plus en plus lourde dans les années qui viennent. Dire la vérité au président de la République sur l’état réel du pays relève d’une exigence morale cardinale. Faire croire au président de la République que le changement peut s’effectuer en un tournemain consiste à l’entretenir dans une illusion qui peut être fatale pour le pays. A contrario verser dans une sorte de procrastination dans la prise de décision, continuer à faire du sur-place, gérer le statu quo et se contredire en permanence, c’est remettre en cause l’esprit des décisions adoptées par la Conférence nationale des 18 et 19 août sur le plan de relance pour une économie nouvelle.
Pendant près de 60 ans, les dirigeants algériens ont pratiqué une fuite en avant tous azimuts et pris des libertés incommensurables avec le principe de réalité jusques et y compris dans les périodes difficiles (1986-1999 puis 2014-2019) lorsque le contre-choc pétrolier avait entraîné une baisse généralisée des revenus. Aujourd’hui, le pays en paye le prix. Les Algériens ont cependant la chance d’avoir à leur tête un homme qui veut redresser la situation économique et instaurer de nouvelles pratiques politiques et sociétales. Il appartient à celles et à ceux qu’il a désignés pour l’accompagner dans ce chemin de croix de lui dire la vérité et de mettre en application, sitôt qu’elles ont été prises, les décisions censées transformer l’Algérie d’ici 2024.
A. M