L’agence nationale de l’emploi a enregistré, rien que pour le mois de Janvier 2021, près de 30 000 demandes d’emploi. Et même si cet organisme affirme avoir enregistré, plus de 20 000 offres d’emplois, il ne nous dit rien sur le nombre de placements effectués et les secteurs concernés. Toujours est-il que cette situation est symptomatique de la crise que nous traversons, et où les statistiques s’entremêlent en fonction de la sémantique utilisée. Pendant que les pouvoirs publics parlent de périodes d’inactivité, les syndicats parlent d’emplois perdus et de chômage. La Covid-19 est la cause la plus avancée en cette période de récession mondiale, pour justifier ces pertes d’emplois.
Par Réda Hadi
Faute de statistiques avérées par secteur d’activité, seul le nombre de pertes d’emploi est connu.
En décembre 2020, Mohamed Cherif Benmihoub, alors ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la prospective, avait affirmé à la radio : «On n’a pas des chiffres officiels mais on peut estimer la perte d’emploi à 500 000 postes minimum». C’est dire combien la situation est confuse, et ne présage en rien (du moins dans l’immédiat), des possibilités de réinsertion.
Les pertes d’emplois s’amoncellent, et le secteur public déjà saturé, ne peut toutes les résorber. Quant au secteur privé, celui-ci étant très tributaire de l’offre publique, les chances de trouver du travail sont minces tant que l’appareil économique de l’Etat ne s’est pas véritablement mis en route.
Que reste t-il alors ?
Certains observateurs avancent que la formation est un bon moyen de trouver de l’emploi. Sauf que cette solution n’est qu’un palliatif pour diminuer le taux de chômage, et qu’une fois la formation terminée, les débouchées sont rares. Les secteurs les plus recruteurs (main d’œuvre dans le bâtiment, l’agriculture et les métiers de proximités), sont boudés par notre jeunesse.
Alor faute de débouchées réelles, c’est probablement le secteur informel qui va attirer tous ces désœuvrés en quête d’emplois fortement rémunérateurs, aux gains immédiats.
Le Coronavirus n’est pas la seule cause de cette situation. Notre pays est exsangue et subit de plein fouet les conséquences de cette pandémie qui vient s’ajouter à la crise pétrolière, la dépréciation du dinar, l’inflation, les entreprises à l’arrêt, et les craintes de récession, outre, un moral au plus bas des Algériens.
Sans réforme, le pays va droit vers la crise
«L’Algérie fait face à une situation économique difficile et inédite en raison de plusieurs facteurs : la crise structurelle héritée de l’ère Bouteflika, la chute des cours des hydrocarbures et enfin la crise du coronavirus», a reconnu le premier ministre, Abdelaziz Djerad, durant l’été 2020. Quant au président Tebboune, celui-ci a déjà exclu de contracter des prêts auprès du FMI et des organismes financiers internationaux, au nom de la «souveraineté nationale».
Il faut dire aussi que notre pays garde un souvenir douloureux du recours au FMI, en 1994, et du plan d’ajustement structurel qui s’était notamment traduit par des fermetures d’entreprises et des privatisations. Chose que le Président Tebboune veut à tout prix éviter, afin de ne plus tomber dans les mêmes travers, malgré les difficultés actuelles.
Des solutions pour éviter la récession existent, disent des experts, mais elles nécessitent des réformes drastiques.
Pour beaucoup, il y a urgence d’une baisse des taux d’intérêt, de la captation de la masse monétaire circulant dans le secteur informel et un abattement de l’impôt en fonction du nombre d’emplois créés.
Comme il est recommandé aussi, le lancement de grands travaux, notamment, le reboisement de la bande steppique est-ouest, la mise en exploitation des terres sahariennes ou encore, le prolongement du chemin de fer vers le Sud. Le tout, en faisant appel à une main-d’œuvre locale qualifiée.
Bien que les hydrocarbures resteront encore pour cinq à dix ans, la principale ressource en devises du pays (sous réserve de la mise en place de nouvelles filières concurrentielles), le plan de sortie de crise doit reposer sur une nouvelle gouvernance nationale et locale, assurent des économistes. Cette gouvernance décentralisée pourrait être axée autour de cinq grands pôles économiques régionaux, en impliquant élus, entreprises, banques, universités et société civile, afin de lutter contre une bureaucratie paralysante.
Hausse du pétrole, quelles perspectives ?
Avec la hausse actuelle des prix du brut, beaucoup s’attendent à des meilleures perspectives en 2021.
La Banque mondiale s’attend à une croissance positive de 3,8% en 2021 et de 2,1% en 2022 de l’économie algérienne. Les perspectives économiques de la Banque mondiale confirment, d’ailleurs, celles du gouvernement qui s’attendait à un retour de la croissance dès cette année.
Dans son rapport rendu public par le ministre délégué chargé de la Prospective, l’Exécutif s’attend à ce que la croissance du PIB passe de 3,98% en 2021 à 4,30% en 2022 avant de se maintenir à une moyenne de 3,84% entre 2023-2025. Tous ces chiffres ne peuvent avoir d’impact réel, sans un engagement politique fort, et des reformes en profondeur, qui se traduiraient par des emplois pérennes, une économie débarrassée de sa gangrène bureaucratique de et de son marché parallèle.
R. H.