Actions de l’OPEP+ sur les déterminants du cours du pétrole : Impact sur l’économie algérienne

Cette présente contribution est une analyse  sur les déterminants du prix du pétrole, les perspectives et son impact sur l’économie algérienne. Rappelons que les treize membres de l’OPEP sont l’Algérie, l’Angola, l’Arabie saoudite, le Congo, les Émirats arabes unis, le Gabon, la Guinée équatoriale, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Libye, le Nigeria et le Venezuela. Les 10 autres pays membres de l’OPEP+ sont l’Azerbaïdjan, le Bahreïn, le Brunéi, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, le Soudan, le Soudan Sud et la Russie principal acteur. Selon l’Agence internationale de l’Énergie, l’OPEP représente 34% de la production mondiale et l’OPEP+ compte pour environ 51% de la production mondiale de pétrole en 2020. Le cours du pétrole le 14 septembre 2023 12h GMT en clôture a été de 90,08 dollars le Brent (85,80 euros) et le Wit 88,72 dollars (82,67 euros).

Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités
Expert international 

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a revu à la hausse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole en 2023 qui s’achemine vers son niveau le plus élevé jamais enregistré pour atteindre 102,2 millions de barils par jour, même estimation de l’OPEP qui maintient sa prévision de croissance de la demande mondiale avec une augmentation de 2,4 millions de barils par jour, pour atteindre une moyenne de 102 mb/j, (contre 99,57 mb/j en 2022)

1.-Les neufs déterminants du cours des hydrocarbures à court et moyen terme

Je recense neuf facteurs. Premièrement, selon la banque mondiale la croissance mondiale devrait tomber à 2,1% en 2023. Le durcissement des conditions financières mondiales et la faiblesse de la demande extérieure pèseront sur l’activité des économies émergentes et en développement. La croissance économique des Etats-Unis pour 2023 est désormais prévue à 1,1%, tandis que la croissance chinoise devrait atteindre 5,6%. Dans la zone euro, la croissance devrait tomber de 3,5% en 2022 à 0,4% en 2023, en raison de l’effet différé du durcissement de la politique monétaire et de l’augmentation des prix de l’énergie, pour 2024, la croissance mondiale a été revue à la baisse à 2,4%, contre 2,7% anticipés en janvier 2023, la BM évoquant les effets persistants des politiques monétaires plus restrictives, qui réduisent notamment les investissements commerciaux et résidentiels. L’élément central donc de la détermination du prix du pétrole est la croissance de l’économie mondiale, notamment de la Chine, Inde, USA et Europe principales locatives de l’économie mondiale. 

La banque américaine d’investissement Goldman Sachs prévoit que les prix du pétrole pourraient atteindre 107 dollars d’ici la fin de l’année 2024, si l’Arabie Saoudite et la Russie maintiennent leurs décisions de réduction de la production et des exportations de pétrole.  

Deuxièmement: la hausse des prix s’explique également par le fait que l’AIE et  prévoit pour le quatrième semestre 2023 une pénurie de l’offre du fait de la faiblesse de l’investissement, pour la première fois les investissements dans les renouvelables en 2022 ayant dépassé ceux des énergies fossiles dont les impacts se feront sentir dans  3 à 5 années. 

A court terme, la production de pétrole des 13 membres l’Opep qui compte l’Arabie saoudite comme poids lourd, «a diminué de 836.000 barils sur un mois pour atteindre une moyenne de 27,31 millions de barils par jour et surtout  l’annonce des coupes dans les productions et exportations russes et saoudiennes dont les capacités pour chacun de ces deux pays dépassent 11/12 millions de barils par jour, soit plus 20% de la production mondiale à des coûts compétitifs car on peut découvrir des milliers de gisements non rentables en fonction du vecteur prix international.

En effet, la  Russie et l’Arabie saoudite ont  continué  de réduire leur production de pétrole jusqu’à la fin de 2023, l’Arabie saoudite de 1 million de barils par jour (bpj) pour la période d’octobre à décembre 2023, la production du royaume pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2023 sera d’environ neuf millions de bpj selon  son ministère de l’Énergie et la Russie a annoncé sa décision de maintenir la réduction de ses exportations de pétrole de 300.000 barils par jour jusqu’à la fin de l’année 2023. 

Troisièmement, un des plus grand producteur mondial grâce au pétrole et gaz de schiste, sont les USA où du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non-conventionnel) qui a bouleversé toute la carte énergétique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole plus de 10 millions de barils jour. 

Les Etats-Unis, importateur par le passé, sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut (tenant compte de la consommation intérieure) devant l’Arabie saoudite et la Russie. Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL) 30 projets sont en cours de réalisation, grâce au gaz et le pétrole de schiste pesant ainsi sur le marché mondial du GNL. 

Quatrièmement: L’on doit tenir compte du conflit en Ukraine qui a bouleversé toute la carte énergétique avec la décision du G7 plus l’Australie de plafonner prix du pétrole par voie maritime à 60 dollars le baril et les dérivées à compter de février 2023, ainsi que la décision  de la commission européenne de plafonner le prix du gaz à 180 dollars le mégawattheure. 

Certes, ces plafonnements n’ont de chance de succès que si ces prix se rapprochent de ceux du marché où le 07/09/2023, le cours du gaz sur le marché de gros PEG pour la période Novembre 2023 est de 42.1 €/MWh. Comparé avec le point haut du 22/08/2023 (54.442 €/MWh), cela représente une baisse de 23%. 

Par rapport au minimum atteint le 06/09/2023, le prix au 07/09/2023 est en hausse de +2% à 42.1€/MWh, en rappelant que cela remet en cause la stratégie expansionniste russe en direction de l’Europe. Avant le conflit en Ukraine, à travers le North Stream et le South Stream la capacité était de plus de 125 milliards de mètres cubes gazeux pour approvisionner l’Europe, plus de 45% avant les tensions et depuis ces canalisations fonctionnent en sous capacités avec l’annulation du North Stream2, la demande européenne a fortement baissé en 2022, plus de 46%, expliquant d’ailleurs les tensions énergétiques en Europe, la Russie se tournant  actuellement vers l’Asie dont la Chine et l’Inde à des prix préférentiels avec de nouvelles canalisations dont  le projet canalisation Sibérie Chine. 

Cinquièmement: Il faut prévoir le retour à terme, sur le marché de la Libye, sous réserve d’une stabilisation politique, des réserves de 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvant facilement produire plus de 2 millions de barils/jour; l’Irak, pouvant aller vers plus de 7 millions/jour et l’Iran, s’il y a accord sur le nucléaire ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, sinon plus et possédant le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35.000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45.000 et avant le Qatar 20.000. 

Sixièmement: Les nouvelles découvertes dans le monde en offshore en Méditerranée orientale (20.000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région, et en Afrique dont le Mozambique (plus de 4000 milliards de mètres cubes gazeux) qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique. 

Septièmement: Les politiques de la transition énergétique seront déterminantes pour un nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui influe sur les prix des hydrocarbures transitionnels. D’ici à 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/ Chine/Europe/Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars et les grandes compagnies devraient réorienter progressivement leurs investissements dans ces segments rentables à terme, les industries de la vie pour reprendre l’expression de Jacques Attali. 

Les USA/Europe représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial qui dépasse le seuil des 100.000 milliards de dollars en 2022, pour une population inférieure à un milliard d’habitants. Et si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique, il faudrait cinq fois la planète 

Huitièmement: L’évolution des cotations du dollar et l’euro, toute hausse ou baisse du dollar, pouvant entraîner un écart de 10/15%. 

Neuvièmement :Les stocks américains dont la baisse  cette semaine a contribué à faire hausser les prix et souvent oubliés les stocks chinois.

2.- Quels impacts sur les recettes de l’Algérie?

En 2022, selon les données officielles de la banque d’Algérie, le cours du pétrole a été de 106 dollars en moyenne et le prix du gaz,  qui représente  environ 33% des recettes de Sonatrach a été entre 15/16 dollars (moyenne entre le gaz naturel et le GNL prix légèrement supérieur de 2 à 3 dollars), donnant une recette de 60 milliards de dollars en précisant  que les  dérivées d’hydrocarbures  inclus dans la rubrique hors hydrocarbures, selon les statistiques officielles douanières en ma possession, fin 2022 représentent  66, 80%, donnant pétrole /gaz brut  et dérivées 98% des recettes en devises du pays.  

Pour une moyenne annuelle de 80 dollars baril en 2023 et un prix moyen du gaz  qui connaît d’importantes fluctuations entre 30 et 50 dollars le mégawattheure, un cours moyen de 10/11 dollars le MBTU la recette de Sonatrach,  y compris les  dérivées qui ont connu depuis début 2022 à septembre 2023, un doublement voire un triplement des prix au niveau international (un bilan doit donner la quantité physique et pas seulement la valeur monétaire, la hausse physique en 2022 ayant été d’environ de 2%) fluctuent entre 45/50 milliards de dollars fin 2023. (Voir notre interview au quotidien arabophone El Khabar du 14 septembre 2023)  

Il faut le reconnaître les indicateurs financiers sont positifs: comme mis en relief précédemment , des réserves de change dépassant les  85 milliards de dollars fin août 2022, et un  endettement extérieur faible moins de 3 milliards de dollars. Mais attention à l’illusion monétaire car un excédent de la balance commerciale permettant l’accroissement des réserves de change importants ne sont pas nécessairement synonymes de développement devant transformer cette richesse virtuelle en richesses réelles.

Les USA ont seulement 37 milliards de dollars de réserves de change fin 2022 et ils sont la première puissance économique du monde. La restriction aveugle sans objectifs précis des importations du fait que le d’intégration des entreprises publiques et privées en 2022 ne dépasse pas les 15% étouffe l’appareil productif et accentue l’inflation du fait de la faiblesse de la production locale. C’est comme un ménage qui restreint sa consommation avec de nombreuses maladies, les maladies apparentes du corps social étant l’inflation, le chômage et l’extension de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l’Etat avec comme effet la corruption.

Mais se pose cette question: la hausse des prix permettra-t–elle de couvrir les besoins de  financement de l’économie nationale? Selon le FMI, l’Algérie a besoin entre le budget de fonctionnement et d’équipement d’un cours moyen du baril pour la loi de finances 2023 de 120 dollars, le cours fiscal et celui du marché inscrit dans la loi de finances étant un pur artifice comptable.

En ce mois de septembre 2023 Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. Grâce aux recettes élevé des hydrocarbures qui déterminent fondamentalement le taux de croissance prévu par le FMI  en 2023 de 1,7% avec un PIB  de 193 milliards de dollars I fin 2022. La situation interne et externe de l’Algérie s’est améliorée, avec notamment un excédent du solde courant en 2022 (+6% du PIB, contre un déficit courant de 2,8% du PIB en 2021). 

Toutefois, le déficit budgétaire s’affiche à la hausse, avec un déficit prévu à 12,3% du PIB selon le FMI, après un déficit de 7,2% du PIB en 2021. La dette publique s’établit à 63% du PIB en 2022,  le  taux de chômage avec une fourchette moyenne de 14/15%, avec un chômage des jeunes de 26,9% et un taux d’inflation relativement élevé 10% en moyenne nécessitant des contre chocs pour préserver le pouvoir d’achat et la cohésion sociale.

D’où l’importance de lutte contre le cancer du blocage de l’investissement, le terrorisme bureaucratique, afin d’attirer les investisseurs nationaux et étrangers dans des segments à forte valeur ajoutée, d’intégrer la sphère informelle dont la masse monétaire en circulation. Selon la banque d’Algérie dépasse les 6500 milliards de dinars, en 2022 soit au cours du 13/09/2023 de 137 dinars un dollars, près de 48 milliards de dollars renvoyant à la bonne gouvernance et à la valorisation du savoir.

En conclusion, espérons que les réformes annoncées pour la réorganisation des Partis,  de la société civile devant coller avec les aspirations de la société, tenant compte des différentes sensibilités , le seul dénominateur commun la défense de l’Algérie, les nouveaux codes des collectivités locales par une réelle décentralisation pour une société participative, permettront  l’émergence  d’un large Front national en faveur réformes car dans la pratique des relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts.

Étant à l’aube d’une profonde reconfiguration des relations internationales, le principal défi 2023/2025/2030 de l’Algérie est la relance économique fondée sur le renouveau des institutions, la transition énergétique et numérique. 

En s’adaptant au mieux de ses intérêts au nouveau monde, s’orientant vers la multipolarité, pays à fortes potentialités, l’Algérie   peut devenir un pays pivot au sein des espaces méditerranéens et africains. 

ademmebtoul@gmail.com

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