Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a appelé, hier, mardi, depuis Doha à mobiliser davantage d’acteurs à travers l’adhésion de nouveaux producteurs de gaz au Forum des pays exportateurs du gaz (GECF) en vue de relever les défis énergétiques actuels et futurs. En tête de ces priorités, le Président a évoqué la mobilisation davantage d’acteurs convaincus de l’importance du gaz naturel pour relever les défis actuels et futurs par l’adhésion de nouveaux Etats exportateurs et producteurs de gaz naturel. Aussi, une réunion ministérielle extraordinaire du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) s’est tenue, lundi 21 février, à Doha, avant le 6ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernements tenu hier mardi 22 février.
Par Réda Hadi
Ce Forum représente 71 % des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, 43 % de la production commercialisée et 58 % des exportations de GNL. Les principaux pays exportateurs du gaz veulent, selon des spécialistes, affiner donc leur stratégie alors que l’Europe a des craintes sur l’approvisionnement en gaz russe en raison de la crise en Ukraine. Une crise qui s’aggrave.
L’Algérie parmi les principaux fournisseurs de l’Europe
Actuellement, les 27 pays membres de l’Union européenne (UE) importent les deux tiers du gaz naturel qu’ils consomment. La Russie, la Norvège, l’Algérie et le Qatar sont les principaux fournisseurs de ces pays. Près de 74 % des importations de gaz vers le Vieux continent en 2020 ont été acheminées par gazoduc et 26% sous la forme de GNL (gaz naturel liquéfié), selon l’agence américaine de l’énergie.
Cette réunion s‘est tenue avec, en filigrane, le bruit des bottes entre la Russie et l’Ukraine, ce qui a contribué à faire envoler les prix de cette matière.
Alors que l ‘Europe craint pour ses approvisionnements, des spécialistes affirment que les dirigeants des pays exportateurs de gaz exigeront que l’Europe ne puisse s’engager sur des commandes passées sans contrat à long terme. Car pour fournir l’Europe en gaz, les pays producteurs doivent faire d’importants investissements, afin d’augmenter leur production. Or, l’Union européenne est réticente à conclure des contrats de 10, 15 ou 20 ans.
De son côté, l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a salué hier, mardi, l’engagement des pays producteurs de gaz pour «assurer la stabilité des marchés».
Celui-ci a rappelé que le Qatar, un des principaux pays exportateur de gaz, avait assuré l’Europe de son aide en cas de difficultés d’approvisionnement, précisant, toutefois, qu’elle serait limitée aux volumes disponibles, les producteurs étant liés par «des contrats de long terme». «Les volumes qu’on peut rediriger (vers d’autres clients) représentent environ 10 à 15%», selon lui. La Russie représente 30 à 40% des approvisionnements de l’Europe et remplacer rapidement ce type de volumes est quasiment impossible, a-t-il poursuivi.
Washington évoque «la menace» sur « la sécurité énergétique » européenne
Sur fond de tensions russo-ukrainiennes, des observateurs soulignent que Washington manœuvre pour bloquer le projet du gazoduc russe Nord Stream 2 qui permet d’approvisionner l’Europe.
«Si la Russie envahit (l’Ukraine), cela veut dire des chars et des troupes qui traversent la frontière de l’Ukraine, encore une fois. Alors, il n’y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin», a menacé le président américain Joe Biden, le 7 février 2022, lors d’une conférence de presse à Washington, en présence du chancelier allemand, Olaf Schol. Il n’a pas précisé de quelle manière «il mettra fin» à l’exploitation d’un gazoduc, sauf à recourir à une action de type militaire.
Pourtant, en juillet 2021, Joe Biden disait qu’il ne servait à rien de prendre des sanctions contre le projet de North Stream 2 mais qu’il fallait discuter avec l’Allemagne. La Chine, alliée de la Russie, a, de son côté, dénoncé «la politisation des projets commerciaux».
Les Etats-Unis, fidéles à leurs intérêts, travaillent pour améliorer leurs parts dans le marché européen du gaz, et ont sensiblement augmenté leurs exportations de GNL vers les pays de l’UE en 2021. Les importations européennes du GNL américain sont passées de 16 % en 2019 à 28 % en 2021.
Pour tous les observateurs, le gaz reste une arme absolue.
R. H.
Billel Aouali économiste et consultant : «La hausse des prix du gaz naturel marque la nouvelle édition du Forum des pays exportateurs de gaz»
Billel Aouali , économiste et consultant nous a livré, en quelques mots, son appréciation sur le prix du gaz et les résultats de la réunion de Doha et souligné que cette session a été fortement marquée par les tensions russo-ukrainiennes
«Si les pays réunis se sont entendus pour déclarer que le Forum des pays exportateurs de gaz, une organisation internationale en position de force sur le marché, les prix ont été fortement impactés par la crise russo-ukrainienne, ce qui menace les approvisionnements de gaz par la Russie à l’Europe. Il faut savoir que l’envolée des prix du gaz a commencé bien avant la crise. Tout ce qui se passe aujourd’hui sur les prix est fondamentalement lié au manque d’investissements et combler ce retard, va prendre du temps. Personne ne put prédire si les prix vont augmenter ou baisser. Il y a aussi l’Iran qui, malgré les sanctions américaines, peut parvenir à compléter le marché. Les prix du gaz fluctuent normalement et ont plus que quadruplé pour atteindre des niveaux records en Europe et en Asie. Les conditions météorologiques ont également exacerbé les déséquilibres du marché du gaz. L’hiver a été rude et l’été chaud dans l’hémisphère Nord, ce qui a stimulé la demande de chauffage, et celle de la climatisation et de rafraîchissement. La réunion de Doha s‘est donc terminée par un avertissement des producteurs qui préviennent être limités dans l’augmentation des volumes. Ce qui va exaspérer les tensions aussi. La crainte de rupture peu faire envoler les prix»
Propos recueillis par R. H.