L’équilibre budgétaire de la Caisse nationale des Retraites (CNR) n’est pas pour demain. L’Etat est contraint de puiser fortement dans son budget afin de garantir les allocations des 3 millions de retraités. En effet, et en dépit de la stabilisation de son déficit dès 2019, après une panoplie de mesures prises par le gouvernement, la CNR est toujours déficitaire et devient de plus en plus un lourd fardeau à supporter par l’Etat.
Par Akrem R.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est engagé à garantir et à la préservation du pouvoir d’achats des retraités quelle que soit la situation financière du pays. Ainsi, il est prévu dans le Projet de loi de finances (PLF 2022) l’attribution au Fonds de réserve pour les retraites, près de 640 milliards de DA. La nouveauté dans la démarche du gouvernement, et contrairement aux années précédentes, où le déficit est comblé par des crédits contractés auprès du Fonds national de l’investissement, est l’affectation de 3% de la taxe pétrolière prévue pour l’année prochaine, à la Caisse nationale des retraites (CNR).
Ce montant (6392 milliards de centimes) est défini comme «un budget supplémentaire, que le gouvernement prélève chaque année sur la taxe pétrolière pour contrer le déficit de la caisse des retraites», car il recourt à chaque fois à augmenter le volume des sommes destinées à couvrir le déficit de la CNR.
Dans ce cadre, l’expert en économie Ishak Kherchi, a estimé que la réservation de 3% de la fiscalité pétrolière pour combler le déficit de cette Caisse est «énorme», mais nécessaire à la fois, tout en mettant en garde contre un éventuel retour de la retraite anticipée et sans condition d’âge, gelée depuis 2016.
«Nous sommes dans une économie non structurée et tributaire à 98% aux hydrocarbures. Ceci dit, nous sommes à la merci du marché pétrolier, dont les prix sont en constante fluctuation», a-t-il souligné, tout en s’interrogeant sur l’ampleur de la situation si les prix du pétrole arrivent à connaitre un nouveau choc, avec une éventuelle 4ème vague de la pandémie du Covid-19, ou pour cause d’une nouvelle crise énergétique.
Sur ce dernier point, notre interlocuteur a soulevé l’entrée en lice de l’Arabie saoudite dans le conflit du Sahara occidental, en affichant son soutien direct au Maroc. «Ce pays a les capacités d’inonder le marché en quantités excédentaires de pétrole pour faire baisser les prix à des niveaux très bas, et ce, dans le but de faire pression sur notre pays», a précisé Kherchi.
La solution, pour cet expert, réside dans le report des discutions avec les partenaires sociaux sur la retraite anticipé et d’augmenter l’âge du départ à la retraite à 68 ans. C’est une mesure non sociale et qui va certainement provoquer l’ire des syndicats, dira-t-il d’emblée. Mais, insiste-t-il, cette option est l’unique issue pour freiner le déficit de la CNR et également réduire l’impact financier sur le budget de l’Etat.
Il est à noter qu’actuellement, le nombre de cotisants est inférieur à la norme d’équilibre. «Nous sommes à 2,2 cotisants pour un retraité, alors que la norme est de 5 cotisants pour un retraité», rappelle-t-il. A cet effet, l’expert a recommandé au gouvernement de travailler sur l’intégration des travailleurs de la sphère informelle dans l’économie officielle. Cela, affirme-t-il, «permettra d’élargir l’assiette des cotisations et enfin réduire le déficit de la CNR.» Questionné sur l’alimentation de la Caisse, en recourant à l’instauration de nouvelles taxes sur les produits importés notamment, Ishak Kherchi a fait savoir que «l’apport de ces taxes sera faible et ne réglera en rien le problème.» Ainsi, dira-t-il, «ces mesures auront un impact négatif sur les prix et le pouvoir d’achat des ménages.»
Rappelons enfin, que pour l’année 2020, le gouvernement a versé des sommes colossales pour combler le déficit de la caisse des retraites et effectuer ainsi, un versement régulier des pensions. Un déficit estimé par le ministre du Travail en mai dernier, à 690 milliards de dinars.
A. R.