Entre l’université et le marché du travail, il y a un énorme fossé. Des milliers de diplômés universitaires se trouvent sans emploi. Même les titulaires de doctorats ne sont pas épargnés par ce phénomène. En effet, quelques 23 000 de cette catégorie sont actuellement sur le marché du travail et attendent un poste d’emploi !
Akrem R.
Le secteur de l’Enseignement supérieur qui est le premier employeur de ces doctorants est saturé et n’est plus en mesure de créer d’autres postes d’emplois, tout en sachant que chaque année, 5 000 nouveaux docteurs sont mis sur le marché du travail, selon les chiffres avancés par Boualem Saidani, le directeur général des enseignements et de la formation supérieures au ministère de l’Enseignement supérieur.
Dans une déclaration à la radio nationale « Chaîne III», le responsable a déploré que «les seules débouchés qui sont offerts aux titulaires des diplômes de doctorats se situent au niveau du secteur de l’enseignement supérieur, en qualité d’enseignant-chercheur ou de chercheur permanent». Cela, dira-t-il, est en contradiction totale avec les normes universelles où, en principe, «on devrait avoir entre 70 à 80% de ces diplômés qui sont dédiés aux autres secteurs, et seulement, 20 à 25%, qui sont recrutés au niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique». En effet, le gouvernement est interpellé, plus que jamais, afin de revoir sa copie en matière de formation et de marché du travail, en mettant en place une nouvelle politique d’emploi adéquate. Actuellement, des budgets conséquents sont alloués à la formation et la prise en charge des diplômés universitaires, dont l’efficacité de ces efforts est peu visible. Selon une étude du Cread de 2018, Sur les 38% des jeunes ayant un diplôme, seulement 16,5% travaillent ! Un chiffre qui reflète encore une fois, l’inadéquation de la formation en Algérie d’une manière générale avec le marché de l’emploi. A cet effet, l’expert en économie, Hamza Boughadi a recommandé aux pouvoirs publics d’effectuer des études et projections sur les besoins réels de l’économie nationale en matière d’emploi, au moins pour les cinq prochaine années.
Avoir une visibilité sur les besoins du marché d’emploi
« On ne peut continuer à naviguer à vue. Nous devons avoir plus de visibilité en matière d’emploi dans les secteurs économiques à développer (le tourisme, l’agriculture et industrie). C’est en fonction de ces prévisions que l’université va procéder à la formation», a-t-il souligné, tout en critiquant la démarche des universités algériennes qui se limitent actuellement à la mise à la disposition de l’étudiant, seulement une place pédagogique. « Cette année 500 000 nouveaux bacheliers vont rejoindre les bancs de l’université sur la base de la disponibilité de la place pédagogique et non selon le besoin de l’économie nationale», a-t-il déploré, en ajoutant que l’université est dissocié de la réalité et ne joue pas son rôle idoine, à savoir la formation de diplômés utiles pour l’économie nationale. Dans ce cadre, il a appelé à l’adaptation des modèles de formations, dont certains sont inchangés depuis les années 90. Ainsi, notre interlocuteur a insisté également sur la refonte des mécanismes d’accompagnements à l’instar de l’ANEM, ANADE, CNAC et autres. Pour lui, ces agences ne fonctionnent pas convenablement et ne participent pas à la résolution de la crise de l’emploi, notamment, pour les universitaires. L’autre raison qui est à l’origine de l’augmentation du taux de chômage au sein des diplômés universitaires, c’est la récession économique du pays. En clair, la croissance économique n’arrive pas à suivre la courbe de croissance démographique du pays, dont près d’un million de naissances sont enregistrées annuellement. La création d’entreprises et d’emplois est au ralenti. En outre, les chefs d’entreprises sont également appelés à s’impliquer dans les processus de formation et d’encourager l’innovation chez les jeunes universitaires et chercheurs.
Fuite de cerveaux : une véritable hémorragie
Il est à noter que cette situation d’inertie sur le plan économique et social a eu un impact direct sur les compétences, élites et diplômés universitaires. Un grand nombre d’entre eux quittent le pays à la recherche de nouveaux cieux. C’est une véritable hémorragie pour notre pays qui a investi grandement dans la formation de ces diplômés, notamment les ingénieurs et médecins. L’Algérie est devenue au fil du temps, une pépinière de formation pour l’Occident, notamment la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ou le Canada. Selon les spécialistes, près des 3/4 de ceux qui immigrent sont des médecins, des professeurs et des ingénieurs. Considérant la facilitation de la mobilité et la simplification des procédures de visa et de travail à l’étranger, on favorisé le départ massif les Algériens.
« Nos jeunes médecins sont un peu désespérés de la façon avec laquelle ils exercent la médecine dans notre pays. C’est pour cela qu’ils partent à l’étranger pour exercer leurs talents. D’ailleurs, 90 % de nos médecins qui partent à l’étranges, s’installent en France. Si on continue comme ça, nous allons former et nous avons déjà formé, pour les autres pays. Nous sommes tous interpellés afin de trouver des solutions rapides et urgentes à ce phénomène», a indiqué Mohamed Bekkat Berkani, président de l’ordre national des médecins praticiens. Il a appelé à l’amélioration du statut social de ces médecins afin de les inciter à rester en Algérie et participer au développement sanitaire du pays.
A. R.