La production des déchets ménagers et assimilés (DMA) a été estimée à environ 11,6 Millions de tonnes par an (2016), 13 millions de tonnes (2018), et devra dépasser les 17,9 millions de tonnes, selon un scénario de « Business as Usual », mais encore 20 millions de tonnes en 2035, selon une étude récente réalisée par le ministère de l’Environnement, suivant une conjugaison de la croissance de la population (54 millions en 2035) d’une part, et du développement du potentiel économique, d’autre part.
Par Akrem R.
C’est un véritable potentiel économique à exploiter, d’autant plus que 46,6% des déchets sont non-putrescibles, dont 88% sont des déchets plastiques, 12,62% des textiles, 9,75% du papier-cartons et 2,84% des métaux, selon des chiffres présentés, avant-hier lundi, à l’ouverture d’un Workshop international de trois jours (6, 7 et 8 février) placé sous le thème : « Economie Circulaire et Stratégie Innovante des Déchets en Algérie » qui se poursuit à Annaba. Toutefois la réalité du terrain est toute autre.
Les chiffres d’une étude présentée par Dr. Hamza Cheniti et Dr. Kaouther Kerboua sous le thème : «Gestion des déchets en Algérie : L’empreinte carbone due aux pratiques courantes et projection future », 35 à 40% des déchets (DMA) sont enfouis dans les centres d’enfouissement technique (CET) et 55 à 60% sont entreposés dans les décharges sauvages. La part de déchets recyclés compte pour moins de 7% et le compostage pour moins de 1 %.
Il est à noter que la quantité des déchets ménagers et assimilés, produits en 2021, est estimée à 11,1 millions de tonnes, soit une moyenne de 0,68 kg par jour et par habitant. Sur la valorisation des déchets, les données font état d’un taux de valorisation de 9,83% en 2020, tandis que le ministère de l’Environnement tend à augmenter ce taux à 30%, à l’horizon 2035, a fait savoir, pour sa part, Pr. Zihad Bouslma, directrice du Centre de Recherche en Environnement qui a présenté un exposé sur « Le CRE : Pour Une Économie Circulaire». Pour atteindre ces objectifs, des adaptations organisationnelles, scientifiques, technologiques sont nécessaires pour passer de 9% à 30 %. En effet, la Stratégie Nationale et Plan d’Actions de la Gestion Intégrée et de la Valorisation des Déchets à l’Horizon 2035, estime que la condition limite est la majoration de la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères) à 1% du revenu des ménages, les déchets doivent être compostés à 50% recyclés à 25 % et enfouis dans des CET classe II avec une bonne récupération énergétique à 25%.
L’Etat ne récupère que 2,6 Milliards de DA
Actuellement, la problématique financière est la principale entrave à la valorisation des déchets en Algérie. Selon une autre étude présentées lors de cet événement, sous le thème : «Gestion des déchets en Algérie : L’empreinte carbone due aux pratiques courantes et projection future », avec un taux de recouvrement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagers, TEOM à 25%, fixée à 2000 DA/an/ménage, l’Etat ne récupère que 2,6 Milliards de DA , dont 321 Millions de DA la TEOM, et 2,3 Milliards de la valeur des marchés de recyclage. Donc, le système est déficitaire, financièrement, de 36,3 Milliards de DA/an sur 38,6 Milliards de DA/an, soit à 94% .
Outre les pertes financières pour l’économie nationale, suite à la non valorisation des déchets, cette situation présente des problématiques environnementales de grande ampleur.
«La quantité des déchets ménagers assimilés en 2018 a été de 13 millions de tonnes. Cette quantité est responsable de 10,9 millions de tonnes de CO2 . Elle est produite, essentiellement, par le méthane non récupéré et non torché », indiquent les deux chercheurs, en faisant savoir que cette quantité de CO2 peut être réduite de 25 % en cas de torchage et de 95% en cas de récupération de CH4.
Par ailleurs, en vue de renforcer l’approche d’économie circulaire dans la stratégie de gestion des déchets en Algérie, ces chercheurs estiment qu’il est nécessaire d’ instaurer les bonnes pratiques de l’économie circulaire par l’intégration du principe de responsabilité élargie des producteurs, ‘’extended producers responsibility”.
Il s’agit d’une application du principe pollueur-payeur à grande échelle (ou d’élargir l’initiative eco-jem) à tous les secteurs industriels. Un tel dispositif permet l’intégration par le producteur du coût de prévention et de gestion des déchets dans le coût du produit, ce qui l’incite à l’éco-conception de son produit pour réduire ces coûts.
Afin de combler le déficit financier lié à la TEOM (36,3 Milliards de DA/an), des mesures doivent être prises, en l’occurrence: un tri à la source, une ségrégation, des camions à bennes sans que les DMAs ne soient compressés afin de ne pas altérer la qualité du composte et du recyclage et le lancement des investissements pour la transformation de ces matériaux en produit semi-finis.
Augmentation de la taxe (TEOM) à 7100 DA/an
Afin d’atteindre l’équilibre financier, une augmentation marginale de la TEOM (par ex, en la doublant) avec un plafond équivalent aux normes internationales suggérant un taux de 1% des revenus des ménages est préconisé, soit de 7 100 DA en moyenne par an. Ce taux majoré et recouvert à 41,12%, permet un équilibre, au-delà duquel un surplus financier pourrait être enregistré, diront les deux chercheurs.
Il est ainsi recommandé de procéder à une révision profonde de l’organisation et le financement de la gestion des déchets qui sont principalement organisés par les autorités locales. Idéalement, le cadre institutionnel, recommandent-ils, devrait permettre de passer à une économie circulaire, plus verte et dirigée par le secteur privé, par laquelle les autorités s’éloignent de leur rôle d’opérateurs des déchets et s’orientent vers un rôle de régulateur stratégique et de contrôle. A ce jour, il n’existe pas d’instrument économique dans le cadre juridique pour encourager la collecte séparée et le traitement approprié d’un certain nombre de flux de déchets, comme les emballages, les huiles, les produits électroniques et similaires. Il est également recommandé de renforcer le cadre juridique lié à la responsabilité élargie des producteurs, pour agir plus en amont par la réduction, la réutilisation et le recyclage des fractions recyclables, puis composter la fraction organique qui représente environ 55% du déchets ménager en Algérie .
A. R.